1940 aviation

La guerre dans le ciel de l'Oise
par Frédéric Gondron et Marc Pilot

Le 15 mai 1940 la Wehrmacht perce à Sedan tandis que la Luftwaffe et la Flak forment un rideau impénétrable pour protéger les têtes de pont. A Berneuil-sur-Aisne le lieutenant Jean Schmidt du GC I/1, blessé, pose son appareil en catastrophe le 16. Cette première perte inaugure une liste qui se clôture le 8 juin avec un total de 71 avions épaves d’avions sur notre sol.
L'affrontement
Très vite le matériel français s’avère dépassé : les Bloch 152 et Morane 406 ont une vitesse inférieure de 100 km/h par rapport au Messerschmitt 109. Les Dewoitine 520 font jeu égal mais équipent notre armée de l’Air en trop petit nombre. Les bombardiers sont dans une situation encore plus critique et c'est un véritable  « tir aux pigeons » quand ils sont envoyés sur les têtes de pont de l’Aisne où de la Somme.
Le terrain des Aigles est la cible de la Luftwaffe une première fois le 19 mai sans être touché. Le nombre de sorties des pilotes, à bord de leur avion Bloch 152, est croissant. Il atteint un sommet lors de la journée du 3 juin: l’Armée de l’Air française lance la mission « Tapir » pour répondre à l’Opération «Paula» déclenchée par les Allemands. Il s’agit pour la Luftwaffe de neutraliser l’ensemble des aérodromes et des industries présents dans la région parisienne. Pour les pilotes du G.C. I/1, aidés du G.C. II/9, il faut à tout prix tenter de contrer cette attaque massive.
Ce 3 juin est une journée de deuil. Autour du terrain, huit Bloch 152 se sont écrasés contre un seul avion allemand. Cette journée met en évidence la supériorité en nombre de l’ennemi dans le ciel mais aussi le manque d’efficacité de notre DCA et de nos communications.
L’aérodrome des Aigles subit deux autres bombardements, le 6 juin, ce qui précipite le départ du G.C. I/1, et le 7 juin. Le Groupe Aérien d'Observation 501 (G.A.O.) replié à Mantes remplace les chasseurs 7 et 8 juin. L’avancée de l’armée allemande vide le terrain de tout avion.
Si tous les jours des combats se déroulent dans notre ciel, la journée du 5 juin est particulièrement mouvementée avec 10 avions français abattus et 7 allemands. Les patrouilles françaises doubles (6 avions) ou triple (9 avions) se heurtent à un ennemi nettement en surnombre. Pourtant les pilotes se défendent avec acharnement réussissant même à descendre à Canly Werner Mölders, l’as aux 34 victoires. Cette victoire qui est attribuée au sous-lieutenant René Pomier-Layrargues dont le D 520 s’écrase à Marissel (un faubourg de Beauvais) entraîne une enquête de la Luftwaffe en août 1940 car le pilote allemand a été molesté au moment de sa capture. Des civils et un gendarme d’Estrées-Saint-Denis seront jugés et emprisonnés.

Au terrain des Aigles, le capitaine Courtaud (à gauche) s'entretient avec son supérieur le commandant Paillet. Lors de sa mission du 6 juin 1940, Germain Courtaud abat un Me 110 de la 6/ZG 1 lequel se crashe à Pont-Sainte-Maxence.
Oberst (colonel) Werber Mölders.
Il remporte 115 victoires avant de périr dans un accident en 1941.
Les derniers feux
Alors que sur terre les Allemands avancent rapidement, Noyon est occupée dès le 7 juin puis Compiègne le 9 juin, les villes de l’Oise subissent des bombardements. Les forces aériennes françaises ne réussissent pas à endiguer le flot quotidien des raids ennemis. L’aérodrome de Gouvieux-Chantilly est bombardé les 5 et 6 juin, entraînant le départ du G.C. I/1. vers Chavenay-Villepreux.
Un ultime combat se déroule ce 6 juin dans le ciel de l’Oise, réunissant des patrouilles des groupes G.C. I/3, G .C. II/7 et G.C. III/7, (groupes non basés dans le département). Ils se retrouvent face à une douzaine de Messerschmitt 109. Le combat est engagé rapidement au-dessus de Breteuil puis de Saint-Just-en-Chaussée. Les pilotes français ont du mal à communiquer via leur radio, une panne malheureusement récurrente pour les avions français. Les Messerschmitt, plus maniables, plus rapides, surpassent les Morane 406 et les Dewoitine 520 engagés dans ce combat. Le courage des pilotes ne suffit pas. Au cours de ce combat, le commandant Maurice Arnoux du G.C. III/7, vétéran de 44 ans et « as » de la chasse, est abattu et s’écrase à Pronleroy.
Le ciel de l’Oise s’est vidé de ses dernières cocardes françaises. Beauvais est très sévèrement bombardée le 9 juin.  Les troupes françaises traversent, au sud du département, l’Oise et la Nonette. La route vers Paris est ouverte pour l’armée allemande.



Entre le 16 mai et le 8 juin 1940, 71 appareils français et 57 allemands se sont écrasés dans le département de l’Oise. Ces chiffres suffisent à prouver qu’il y a bien eu des affrontements acharnés dans notre ciel. Quelles déceptions pour nos pilotes de devoir se replier ensuite d’aérodrome en aérodrome ! Conscients de leur valeur et ayant manifesté un courage sans faille, ils avaient l’amer sentiment d’avoir été surclassés uniquement d’un point de vue technique et d’avoir été engagés dans de mauvaises conditions face à un ennemi omniprésent.
Sources :
Frédéric Gondron, Un aérodrome peu connu « Les Aigles » - août 1939 – juin 1940, Société Historique de Gouvieux, 2000
Paul Martin, Invisibles vainqueurs : « Exploits et Sacrifice de l'Armée de L'air en 1939-1940 », Yves Michelet éditeur, 1990.
Marcel Mavré, La guerre 39-45 dans le ciel de l’Oise, 500 avions tombés en mission de combat sur le territoire du département, Editions Delattre, 2006.
Marc Pilot, L’activité aérienne dans l’Oise pendant la Seconde Guerre mondiale, in Journées d’études « l’Oise dans la Seconde Guerre mondiale, Bilan et perspectives de la recherche », ADO, 2007.
As de la Grande Guerre, le commandant Maurice Arnoux est tué au cours d'un combat aérien au-dessus d'Angivilliers le 6 juin 1940.
Chasseur allemand Messerschmidt Bf 109E du III/JG53 lors de la Bataille de France en repos. Il est piloté par le sergent Hans-Georg "HG" Schulte, de la 7e escadrille.
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