1941 Politique des otages

Un camp de détention d'internés politiques (été 1941 - été 1942)
par Jean-Yves Bonnard

Le 22 juin 1941, Hitler ordonne l'exécution du Plan Barbarossa rompant ainsi le pacte germano-soviétique. L'Armée allemande envahit l'URSS. Dans le même temps, les émigrés russes suspects, les Russes mâles en âge de porter armes et les communistes français sont pourchassés par le Commandement militaire allemand en France (Militärbefehlshaber in Frankreick, MBF) et les services de renseignement allemands (Sipo-SD). Considérés comme des "ennemis actifs du Reich", les communistes sont arrêtés par la police française et le MBF, internés dans des centres de détention organisés par Vichy puis transférés au camp de Compiègne. La caserne de Royallieu devient alors un "camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs" puis un "camp de détention de police" dénommé Frontstalag 122.

Le regroupement de communistes
Depuis l'invasion de l'Union soviétique, les attentats de groupes communistes contre l'occupant se multiplient. Les arrestations pour menées anti-allemandes grossissent les effectifs de détenus au camp de Royallieu.


La politique des otages
En août 1941, le MBF met en œuvre des mesures de représailles collectives pour lutter contre les attentats contre les soldats de l'armée d'occupation. Les internés de Royallieu sont un des viviers de cette politique des otages livrés à l'exécution. Le 20 septembre 1941, un premier prélèvement d'otages est effectué au camp de Royallieu pour être fusillés au Mont-Valérien. Parmi eux, le doyen du camp, l'avocat à la Cour Michelis Rolnikas.
Le 30 décembre 1941, un arrêté fait du camp de Royallieu un "camp de détention de police allemande" (Deutsches Polizeihaftlager) renforçant ainsi son caractère répressif.

Les exécutions d'otages prélevés du camp de Royallieu
On recense vingt-neuf exécutions d'otages prélevés du camp de Royallieu en représailles d'attentats commis contre des militaires allemands.
  • Les fusillés dans l'Oise (16)
14 février 1942, en forêt de Compiègne : Lucien Levavaseur, Roger L'Héveder, Jacques Samson et Henri Chaim Porecki.
Cette exécution fait suite à l'attentat commis à Elbeuf le 21 janvier 1942 contre une sentinelle allemande et pour lequel neuf otages ont été passés par les armes en représailles. Leurs corps sont enterrés à La Croix-Saint-Ouen et Vieux-Moulin.

21 février 1942, à Carlepont, à proximité de la Butte des Zouaves: Léon Durvillé, Arthur Lefebvre et Emile Michaud.
Cette exécution fait suite à un attentat commis à Rouen contre deux militaires allemands le 4 février 1942 et pour lequel vingt otages ont été passés par les armes en représailles. Leurs corps sont enterrés à Carelpont.

7 mars 1942, à Carlepont, à proximité de la Butte des Zouaves: Corentin Cariou, Jean-Baptiste Réchaussière et Pierre Rigaud.
Cette exécution fait suite à un attentat commis à Paris le 1er mars contre une sentinelle allemande qui a été tuée et pour lequel treize otages ont été passés par les armes en représailles. Leurs corps sont enterrés à Cuts.

31 mars 1942, en forêt de Compiègne au champ de tir des Beaux-Monts: Gustave Delarue.
Cette exécution fait suite à un attentat commis au Havre le 23 février 1942 contre une colonne de marins en marche tuant deux militaires allemands.Vingt otages sont fusillés en représailles.

9 mai 1942, en forêt de Compiègne au champ de tir des Beaux-Monts: Maurice Boulet, Jean Delattre, André Giraudon, Gustave Lecomte et Karl Ursin Scheid.
Cette exécution fait suite à un attentat commis contre un train de permissionnaires à Caen le 1er mai 1942. Dix-sept otages sont fusillés en représailles.

Deux hommes sont aussi mentionnés comme fusillés dans l'Oise, l'un, Auguste Jean le 24 avril 1942, et l'autre, inconnu, le 6 juillet 1943 dont le corps est enterré dans le cimetière nord de Compiègne. Leur exécution ne semble pas être liée à des représailles contre des attentats.

  • Les fusillés au Mont Valérien (10)
20 septembre 1941 : Michelis Rolnikas, Antoine Hajje et Georges Pitard.
Cette exécution fait suite à un attentat commis à Paris le 16 septembre contre un capitaine de l'armée allemande et pour lequel douze otages ont été passés par les armes en représailles.

15 décembre 1941: Eugène Bannetel, Henri Prou, Daniel Perdrigue, Victor Louis Courtout, Alexandre Turpault, Julien Berthier et Jean Marie Damichel.

  • Les fusillés à la citadelle d'Amiens (3)
30 avril 1942: René Chaintreau, Albert Bessières et Octave Gauthier.
Cette exécution fait suite à un attentat commis à Caen le 16 avril 1942 contre un train de permissionnaires allemands qui a entraîné vingt décès de soldats et une trentaine de blessés. Vingt quatre otages seront passés par les armes en représailles.


Durant le mois de décembre 1941, le MBF met en pratique une mesure considérée comme plus dissuasive: la déportation de masse. Outre les communistes, les juifs sont désignés comme la principale cible, formant ainsi l'ennemi "judéo-bolchévique". Si les prélèvements d'otages pour être fusillés se poursuivent jusqu'au 9 mai 1942, le camp de Royallieu est converti progressivement durant l'été 1942 en un camp de regroupement de détenus pour la déportation.
Share by: