Le massacre du Bois d'Eraine Le 9 juin, vers 19 heures, le village d'Erquinvillers se trouva encerclé par les troupes allemandes. Le commandant Bouquet, du 24e Régiment de Tirailleurs Sénégalais, et le capitaine Speckel, commandant le 2e Bataillon du 16e RTS, décidèrent de se replier vers le sud avec les derniers éléments de leurs unités et gagnèrent le Bois d'Eraine dont le couvert végétal devait les mettre à l'abri de l'aviation.
Cachés dans le bois où il a passé la nuit du 9 au 10 juin, le groupe fut repéré tandis qu'un tirailleur cherchait à trouver de l'eau.
Ce 10 juin, vers 19h, le groupe se trouva encerclé par un détachement du régiment Grossdeutschland
de la Wehrmacht (la 10e compagnie). Un échange de coups de feu s'en suivit au cours duquel l'aspirant Méchet fut tué. Faits prisonniers, les soldats français furent conduits à 1500m de là, à la ferme d'Eloge, où le corps de l'aspirant fut enterré, à proximité.
Un témoignage retranscrit par Le Progrès de l'Oise en 1957 fait le récit de la tragédie : "Un officier allemand survient alors; il brandit un coupe-coupe saisi sur un Sénégalais; il vomit des injures et le tri commence d'un côté les blancs, de l'autre les noirs. Le Commandant Bouquet n'ignore pas quel sort sera fait à des Tirailleurs. Crânement il se dresse, prend leur défense, discuté pied à pied. Le Capitaine Speckel intervient à son tour, cet Alsacien crie en allemand sa fierté de commander ceux que l'on appelle "des sauvages". Alors, tandis que l'on exécute les tirailleurs un à un, les officiers sont emmenés. nul ne les reverra plus vivants."
Il semble que les officiers français aient été exécutés à leur tour à la corne nord du bois d'Eraine où leur corps fut enterré dans une fosse.
Tous les soldats africains faits prisonniers à la ferme d'Eloge furent massacrés au sud du Bois d'Eraine. Selon Gaston Bousson, soldat du 42e BCP fait prisonnier le jour-même, 64 tirailleurs du 26e RTS auraient été exécutés auprès d'une fosse commune qu'ils avaient creusée.
Les sous-officiers et hommes de troupe d'origine européenne, quant à eux, regroupés dans une étable de la ferme d'Eloge, furent emmenés le 11 juin à Saint-Just-en-Chaussée avant d'être conduits en captivité en Allemagne dans un stalag. Leur témoignage permit de reconstituer le déroulé de cette journée tragique.
La découverte des corps
Durant l'automne 1940, les familles des disparus entamèrent des recherches auprès de l'Armée française et de la Croix Rouge, comme ce fut le cas pour la famille Planchon. Certains anciens soldats tentèrent aussi de retrouver la trace de leurs camarades tués sur le champ de bataille.
A Cressonsacq, la fosse commune des officiers fut découverte par un agriculteur, Valère Guizelin. Une croix fut apposée: "ici, sept corps".
En juin 1941, la municipalité de Cressonsacq obtint de l'occupant allemand l'autorisation d'ouvrir la fosse du bois d'Eraine
L'exhumation menée le 11 juin suivant sous la surveillance d'un officier allemand de la
kommandantur de Compiègne permit de mettre au jour, sous un faible épaisseur de terre, les corps de huit officiers français. Côte à côte, le commandant Bousquet, les capitaines Speckel et Ris, les lieutenants Brocart, Roux et Planchon, le sous-lieutenant Rotelle sur lesquels était étendu en travers le corps du lieutenant Erminy, sans doute abattu ultérieurement, probablement après une tentative d'évasion. Si deux corps étaient en bras de chemise, "tous avaient la tête fracassée par balle, coups paraissant tirés par derrière, balle probablement de gros calibre" comme le précisera un rapport.
Plus loin, deux corps de tirailleurs furent découverts, Leno Faya et Aka Tano, sans doute exécutés après avoir creusé la fosse commune.
Dès le 22 juillet 1941, une cérémonie religieuse et civile marqua l'inhumation officielle dans le cimetière communal des corps trouvés dans la fosse.
A cette occasion, Jean Sauvajol, neveu du lieutenant Planchon déclama un sonnet intitulé
Pax:
A l’orée du grand Bois, sous les frondaisons calmes
Ils ont dormi un an, côte à côte, ignorés
Et la houle des blés, par les vents balancés
Chaque soir les berçait d’une feuille de palme.
Nos pensées angoissées les cherchaient ardemment
Et nos Espoirs têtus, en écartant le Doute
S’obstinaient. Chaque soir aux Croix de notre Route
La Prière montait, long Cri d’Amour Fervent.
Au grand Soleil de Juin, ils nous sont Revenus.
Ils ont cessé enfin d’être des Inconnus.
Et soudain, les voici, plus purs, plus familiers.
Plus vivants même et plus près de Nous que
Jamais. Et leurs yeux apaisés disent dans leur langage
« Pour la Patrie, pour nos petits et pour nos Vieux, Courage ».
Recherches et commémorations d'après-guerre
Peu après la Libération du territoire, des recherches furent entreprises pour retrouver les corps des tirailleurs sénégalais. Le colonel Laboureur, délégué régional des services de recherches des crimes de guerre fut mandaté pour mener les enquêtes dans l'Oise. La gendarmerie trouva, notamment, en 1945, l'emplacement d'une fosse dans une ferme d'Erquivillers où 36 soldats avaient été ensevelis.
Les corps des tirailleurs massacrés au Bois d'Eraine furent regroupés dans la nécropole nationale de Cambronne-les-Ribécourt créée en 1950.
Puis, le 10 novembre 1957, une plaque fut apposée sur une face du monument aux morts de Cressonsacq et inaugurée par l'Amicale de la la promotion Saint-Cyr du Rif (1924-1926) portant le nom du capitaine Speckel.
Aucune autre cérémonie ne semble avoir eut lieu par la suite, jusqu'à l'intervention auprès de la municipalité de Geneviève De Bergh, soeur du lieutenant Roux, s'informant sur une éventuelle commémoration à l'occasion du cinquantième anniversaire du massacre.
Ainsi, une stèle en grès de Francières fut inaugurée en bordure du Bois d'Eraine le 24 mai 1992 pour le cinquante-et-unième anniversaire de la tragédie par la commune de Cressonsacq sous l'égide du maire Jean-Jacques Potelle, enseignant retraité.
Depuis ce jour, chaque année, vers le 10 juin, des commémorations sont organisées par les associations d'anciens combattants, les fédérations des anciens d'Outre-Mer et Troupes de Marine, et l'association Picardie Mémoire laquelle a installé des panneaux explicatifs dans la commune.
Ainsi, le 12 juin 2010, s'est tenue une importante cérémonie à Cressonsacq et à la nécropole de Cambronne-les-Ribécourt, en présence de la Fédération nationale des anciens d'Outre-Mer et anciens combattants des troupes de marine (FNAOM/ACTM) et d'élèves du collège Louise-Michel de Saint-Just-en-Chaussée.