1940 Exode Noyonnais

L'exode à Noyon
par Fabien Crinon

Le 3 septembre 1939, la France déclarait la guerre à l’Allemagne nazie, après que l’armée d’Hitler ait envahi la Pologne. Après huit mois de « drôle de guerre » relativement paisibles, le 10 mai 1940, la Wehrmacht lance une grande offensive contre la France. Huit millions de civils, effrayés par l’avancée allemande et hantés par les souvenirs de la Première Guerre mondiale, fuient vers le sud du pays : c’est l’exode. La commune de Noyon voit une grande partie de sa population s’enfuir dès le 16 mai 1940.
Terroriser la population
L’offensive allemande du 10 mai 1940, les Noyonnais l’appréhendent d’abord à travers un flot de réfugiés venus de Belgique bientôt suivis par des populations venant du Nord de la France. L’historien local Gaston Braillon restitue l’atmosphère : « A Noyon, ce qui démoralise, c’est le flot des réfugiés belges qui commence à déferler. Ces gens s’enfuient, en voiture ou à bicyclette, racontant que les avions allemands, descendant en rase-mottes, mitraillent soldats et civils, hommes, femmes et enfants mêlés à des soldats belges et français perdus, affolés au milieu d’eux, que l’élan allemand est irrésistible ».

Le 12 mai, les troupes allemandes franchissent la frontière nationale. Les Noyonnais pensent alors que les Allemands vont se ruer vers Paris par la vallée de l’Oise. Une première phase de bombardements frappe la ville le 16 mai. Des obus atteignent le camp d’aviation et la gare alors bondée de réfugiés attendant le train pour Compiègne.
La ville est ainsi vidée de la plupart de ses habitants. Louis Caron, dans son récit autobiographique, témoigne : « Mon père a chargé dans la 201 tout ce qu’il pouvait y mettre, un matelas sur le toit et sur le matelas des sacs remplis de choses diverses, une malle et encore du couchage, le coffre est plein bien sûr mais il n’est pas très grand, les places arrières reçoivent des valises et un tas de sacs diversement chargés […]. Après avoir soigneusement fermé les portes de la maison papa s’installe au volant, maman à côté de lui avec ma jeune sœur sur les genoux, quant à moi je me case comme je peux sur un coin du siège arrière bien encombrer, mais je ne suis pas gros et j’y arrive sans trop de mal. […] Nous quittons Noyon en montant par la route de Larbroye ce qui nous permet d’éviter Compiègne fortement bombardé à ce que l’on nous dit. […] On reconnaît certaines personnes au passage, ainsi nous voyons le maire de Noyon et sa femme nous dépasser dans leur voiture ».   
La municipalité estimant l’entrée de l’ennemi imminente est aussi partie, offrant la vision d’une chute des structures de l’Etat. Le maire de Noyon, Adrien Lhomme fuit vers le sud de Paris et réside dans la Nièvre. Quant à Lucien Finet, deuxième adjoint, il quitte la ville pour Rennes où il conduit sa famille avant de revenir. Louis Bontemps, troisième adjoint, quitte la ville pour la Manche (Les élus seront suspendus de leurs fonctions le 31 mai par Paul Vacquier, préfet de l’Oise puis révoqué le 3 juin par Albert Lebrun, président de la République).  Dès lors, la ville est administrée de façon empirique.  
Faute de pouvoir faire fonctionner l’hôpital, dans ce contexte, l’évacuation des hospitalisés est organisée par sœur Saint-Romuald. Une dizaine d’autobus de la ville de Paris convergent vers la région parisienne et la Normandie.
Le 20 mai, la préfecture de l’Oise ordonne l’évacuation officielle de la ville. Le télégramme indique : « Ordre d’évacuer est donné par l’autorité militaire. Exécuter dans toute la mesure du possible le repli vers le sud-ouest ».  Un contrordre est donné par la voie de radio le 22 mai invitant les habitants à rentrer chez eux. 

Fuir les combats
Après la suppression de la « poche de Dunkerque », où une importante partie de l’armée française est fait prisonnière, le général Weygand tente de tenir une ligne qui longe la Somme puis le canal de Saint-Quentin et le canal de l’Oise à l’Aisne. A partir du 5 juin, les Allemands se lancent à l’attaque de la ligne Weygand. La ville, où ne demeuraient qu’environ 700 personnes (contre 6 300 personnes avant la guerre), avait subi un premier bombardement d’aviation dans la nuit du 3 au 4 juin, rue Jean-Abel Lefranc.
Le 5 juin, à l’aube, les principaux axes de la ville sont la proie des Stukas (bombes explosives et incendiaires) : la place de la République, la rue du général de Gaulle, la rue d’Amiens, la rue de Paris et la place Saint-Jacques sont touchées par les bombes. Des bâtiments publics sont endommagés. La cathédrale est atteinte à l’intersection du chœur et du transept.
La violence des bombardements et la progression allemande poussent l’autorité militaire à ordonner l’évacuation des quelques civils encore présents. Les troupes allemandes accentuant leurs efforts et resserrant l’étau sur Noyon, des combats de rues opposent les fantassins allemands aux fantassins français. La plupart des formations françaises échappe à cet effet de tenaille, hormis la 2ème compagnie du 1er bataillon de chars anéantie en plein centre-ville par des canons antichars allemands. Au soir du 7 juin, la ville est occupée par les Allemands.

Le retour des habitants
L’Armistice du 22 juin 1940 signé, dès les premiers jours de juillet 1940, les Noyonnais commencent à rentrer chez eux. Un rapport rédigé en août par Augustin Baudoux, nouveau maire nommé par décision préfectoral, confirmé par le Maréchal Pétain, indique que « sur 6.300 habitants, il en est rentré jusqu’ici 4.800, qui ont pu se loger facilement, soit dans leurs propres habitations, soit dans des locaux vacants réquisitionnés par le Maire ».
Les dévastations sont importantes et de nombreux quartiers ont souffert. La vie normale est devenue impossible, faute d’électricité, de gaz et d’eau. Les troupes d’occupation réquisitionnent les hommes valides pour le nettoyage des rues et la remise en état des infrastructures.
 
Du fait de la désorganisation de l’économie et des prélèvements allemands, de nombreux produits viennent à manquer. Les denrées sont rationnées et la population doit se ravitailler par le biais de cartes d’alimentations.

http://www.societe-historique-noyon.fr/app/download/27870978/1940-Exode_VN99_juillet-ao%C3%BBt-2019.pdf
Exode des Belges, photographie prise boulevard Mony. Coll. SHASN
La gare bombardée, Coll. Fabien Crinon
Rue du Nord (actuelle rue du général de Gaulle), Coll. SHASN
La 2ème compagnie du 1er bataillon de chars anéantie en centre-ville, Coll. Catherine Platel
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