1944-Amalgame FFI

L'amalgame des forces de la Résistance dans l'armée nouvelle
par Jean-Yves Bonnard

 

Les FFI participent activement à la Libération de l'Oise auprès des armées alliées, font des prisonniers allemands et arrêtent des collaborateurs. Entre le 29 août et le 3 septembre 1944, 55 FFI sont tués au combat dont la moitié le 31 août. Les pertes allemandes durant la même période sont évaluées à 150 tués, 300 blessés et 2500 prisonniers. De nombreux résistants poursuivront la libération du territoire en rejoignant l'armée régulière.

 Sur le plan militaire, la structure FFI sera officialisée le temps que l’armée se réorganise. Même si, par le décret du 19 septembre 1944, les commandements FFI sont dissous et intégrés à l’armée, l’autorité militaire issue de la Résistance coexistera avec celle de l’armée régulière jusqu’en novembre 1944.
Ainsi, la 2e Région Militaire, constituée des départements de l’Aisne, des Ardennes, de l’Oise et de la Somme, sera placée sous le commandement du général de division Préaud. Mais le département de l’Oise, jusque-là placé dans la juridiction de la Région FFI de l’Ile de France, restera encore quelques temps sous la coupe de la 1ère Région Militaire commandée par le général Koënig, commandant en chef des FFI.
Le général Préaud,
commandant la 2e Région Militaire
Une subdivision militaire dynamique
Dans un premier temps, les plus hautes instances militaires du département de l’Oise seront confiées à des officiers de carrière issus de la Résistance. Ainsi, dès la Libération, le Commandant Levert, est désigné comme Commandant de la place d’armes de Compiègne. Le 10 septembre, les subdivisions militaires sont crées sur le modèle d’avant-guerre. Beauvais en devient le centre administratif pour l’Oise, avec à sa tête, à partir du 20 septembre 1944, le commandant Levert. Son chef d’Etat Major sera le commandant Roland Schmit, jusque-là chef d’Etat-Major FFI de l’Oise et président du Comité Départemental de Libération. Cette subdivision changera d’appellation et deviendra le 1er octobre 1944 le « bureau militaire départemental ».
Dans cette configuration, ce bureau pourra doter entre septembre 1944 et décembre 1945 :
-    quatre bataillons : le 1-67, 3-51, le 3-67 et le 2-51,
-    deux compagnies de génie,
-    cinq compagnies de transport,
-    un hôpital de campagne,
-    un parc d’artillerie,
-    une compagnie de dépôt départementale,
-    une école de cadres départementale puis inter-régionale,
-    un centre d’organisation d’information
-    quatre pelotons de récupération
-    et tous les organismes territoriaux du département.

Parallèlement, le service militaire sera organisée pour chaque Région Militaire par décrets publiés au Journal Officiel. Compiègne deviendra ainsi de nouveau un Centre d’Organisation de l’Infanterie où se tiendra la Commission de Révision. Les premières mesures concerneront alors les jeunes gens nés entre le 1er août 1923 inclus et le 14 octobre 1923 inclus lesquels seront appelés à partir du 1er février 1945.
La pénurie de vivres et de matériels imposera aux autorités militaires de demander aux appelés de cette classe 43 de se munir de leurs cartes d’alimentation, de tabac, de vêtement et de textiles mais aussi de leurs effets d’habillement personnels (canadienne, chandail, chaussettes, bidon, couvertures…) qui leurs seront remboursés intégralement. Ce premier avis indique que « les classes 40, 41, 42, 43, dont une partie a été déportée en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire et dont de nombreux éléments se sont engagés dans les FFI, (…) seront mobilisées si la situation le justifie et si le matériel nécessaire est fourni ». Les jeunes de la classe 44 recevront, quant à eux, des cours d’instruction dans des centres de formation prémilitaire situés dans les chefs-lieux de canton du département de l’Oise. Compiègne deviendra ainsi la ville de garnison du 3e bataillon du 42e R.I. motorisé, lequel recevra le drapeau du régiment le 9 août 1945 place du Château.
On pourra ainsi lire dans la presse départementale, en l’occurrence Le Progrès de l’Oise Libérée du 12 décembre 1945 : «Grâce à cette inlassable activité, le département de l’Oise s’est classé parmi les tous premiers de France pour le nombre et la qualité des unités mises sur pied».

Le recrutement d’engagés volontaires
Pour permettre l’assimilation des groupes de résistance devenus FFI dans l’armée régulière, deux bataillons de sécurité seront formés dans l’Oise par décision du Ministre de la Guerre en date du 1er septembre 1944 :
-    d’une part le 3e bataillon du 51e R.I. à Beauvais (né sous le nom 1er bataillon du  51 R.I. devenu ensuite bataillon II/2 jusqu’au 1er février 1945),
-    d’autre part le 1er bataillon du 67e R.I. à Compiègne (qui prendra un temps le nom de bataillon I/2). Son nom a été attribué en souvenir de ce régiment de Soissons dont un bataillon stationnait à Compiègne avant-guerre.
Créés dès la libération de l’Oise, ces deux bataillons seront placés sous l’autorité de chefs de la résistance locale. Ainsi, le 3e bataillon du 51e RI sera placé sous le commandement du Capitaine Fromonot. Le 1er bataillon du 67e R.I., quant à lui, sera placé sous le commandement du lieutenant-colonel de Bellegarde, officier de l’armée régulière, et du commandant Bouquerel, devenu son adjoint.
Le contingent des bataillons sera constitué pour l’essentiel de ce que l’on appelle les « maquis » situés dans la 2e Région Militaire et notamment de l’Oise, de l’Aisne et de la Somme. Compiègne et Beauvais deviendront ainsi les centres de recrutement de ces engagés volontaires qui s’inscriront dans l’armée française individuellement ou en groupe jusqu’à la fin des hostilités ou pour cinq ans, comme le stipule leur contrat. La population se mobilisera rapidement pour gagner les rangs de ces régiments en cours de reconstitution : les FFI, les FTP, les réservistes, mais aussi de nombreux jeunes de 17 ans !

   Aléas et controverses
Pour autant, la constitution du 1er bataillon du 67e R.I. fera l’objet de controverses. Ses 800 hommes seront répartis en cinq compagnies, les trois premières essentiellement composées de FFI issus de l’OCM et les deux suivantes de FTP.
Les membres de l’Etat-Major FFI du secteur Est prendront place dans cette structure militaire, notamment les capitaines Martin (ex chef du 2e bureau) et Barriquand (ex chef du sous-secteur de Compiègne Nord). En revanche, les chefs FTP n’y figureront pas. André Poirmeur donnera une explication à cet état de fait : « (…) seuls, les FFI porteurs de leurs certificats étaient admis sans difficulté dans les casernes pour s’enrôler dans l’armée, les FTP sont refoulés sur le bureau de la place où ils se heurtent toujours au même argument : « FN ? Connaissons pas ! » Leurs chefs sont rétrogradés, indésirables. » .
Pendant quelques semaines, ces deux bataillons auront l’allure d’une troupe dont la tenue dépareillée n’avait comme seul point commun qu’un béret porté bas sur le côté gauche de la tête. C’est dans cette tenue qu’ils seront passés en revue le 4 octobre 1944 à Compiègne par le général Préaud et le lieutenant-colonel Levert. L’armée française étant dans l’incapacité de subvenir aux besoins du régiment, le 1er bataillon du 67e R.I. sera placé sous l’autorité de la « communication zone » du 21e groupe d’armées britannique qui l’équipera en véhicules, armes, munitions et uniformes puis l’intégra dans ses rangs dans un régiment de highlanders. Le 3e bataillon du 51e R.I sera aussi équipé par le pool britannique.
    Présentation au général Koenig
Le 21 octobre suivant, le général Préaud présentera les 1.600 volontaires de la 2e Région Militaire regroupés au sein des deux bataillons aux autorités militaires et civiles. Le général Koenig, commandant des Forces Françaises de l’Intérieur et commandant de la 1ère Région Militaire est alors présent. Il passera en revue ses troupes parfaitement intégrées à l’Armée Nouvelle.
La présence du général Chaban-Delmas ce jour-là n’est pas innocente : au-delà de ses relations étroites avec l’Etat-Major FFI de l’Oise, l’ancien Délégué militaire national a reçu comme mission par le ministre de la guerre André Diethelm de réaliser l’amalgame des FFI aux troupes régulières. Cette cérémonie du 21 octobre, peut symboliser l’achèvement de l’amalgame commencé un an plus tôt.

   La création de deux nouveaux bataillons
Pendant ce temps, le grand nombre d’engagés volontaires dans les rangs des régiments reconstitués imposera la formation de deux nouveaux bataillons. Ainsi, vers la fin du mois de septembre 1944, sera créé à Compiègne le « 2e Bataillon de Marche » qui deviendra le 3e Bataillon du 67e R.I. lorsque sera créé un nouveau 2e Bataillon du 67e RI en Loire Atlantique à l’automne 1944. Composé d’engagés volontaires de l’Oise et de l’Aisne (dont le commandant de Montalembert, ex chef du 2e bureau de l’Etat-major FFI) répartis dans cinq compagnies (de la 10ème à la 15ème), le 3ème bataillon aura à sa tête le Colonel Marchal et comme commandant en second le Lieutenant-colonel Soleilhavoup.


Contrairement au 1er Bataillon qui combattra sous l’uniforme anglais, le 3ème Bataillon sera habillé de l’uniforme français d’avant-guerre avant de revêtir la tenue bleue des chasseurs-alpins puis celle kaki des soldats américains. Cette éclectisme dans l’uniforme vaudra aux hommes du bataillon le surnom des « va-nu-pieds ». Mal équipés, sous armés, ils participeront aux premières cérémonies du 11 novembre dans la Clairière de l’Armistice et seront acclamés par la foule qui les verra défiler sous l’uniforme français.
Le 2e bataillon du 51e R.I., quant à lui, ne sera constitué qu’en février 1945 à partir d’unité formée dans la 1ère région militaire.

Les régiments reconstitués de l'Oise combattront autour des poches de Dunkerque, de Falaise et de Saint-Nazaire et perdront une cinquantaine de résistants devenus soldats.

Le commandant Levert
La désignation du commandant Levert à la tête de la place d’armes de Compiègne apparaît judicieuse : né en 1890, ce Lorrain entre au 1er Chasseurs d’Afrique en 1910 et fait ses premières armes dans le Sahara. Capitaine de cavalerie en 1914, il se porte volontaire pour servir au front dans l’infanterie. Il y sera distingué par sept citations et la Légion d’honneur. Ancien directeur des études de l’école de chars de combat de Versailles, promu commandant en 1936, Levert devient officier de liaison au groupement de quatre divisions blindées (dont celle du colonel de Gaulle) en 1940. Cité deux fois en mai-juin, fait prisonnier à Poix, il parvient à s’échapper. Envoyé à Clermont-Ferrand après l’armistice pour reformer le 82e R.I., il démissionnera aussitôt et sera affecté au front-stalag de Royallieu avant de créer les centres de rapatriement d’Amiens et de Compiègne. Démissionnaire le 31 août 1943, il entre dans la résistance avec ses enfants et se place sous l’autorité du Commandant Bouquerel.
Cet officier de 54 ans placera tout son savoir-faire d’organisateur dans le bureau militaire départemental. Promu lieutenant-colonel en février 1945, le commandant Levert accueillera à Compiègne en octobre 1944 le général Kœnig,  et le général de Gaulle à Beauvais le 11 août 1945.

Le commandant Schmit, chef d'Etat-Major
Le capitaine Fromonot
Le commandant Bouquerel
Le capitaine Martin
Le capitaine Barriquand
De gauche à droite: le sous-préfet de Passillé, le général Chaban-Delmas,
le général Koenig, le préfet Pérony, Pierre Pène, le général Préaud
Défilé des FFI à Compiègne
De gauche à droite: Montalembert, Bouquerel, Barriquand,
Schmit et le général Koenig à Compiègne
Roland Schmit

Sources

Arch. départ. Oise - Actes du Colloque L'Oise est Libérée, archives départementales de l'Oise, 2007.

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