1944-Liberation-Crepy-en-Valois

31 août 1944, la libération de Crépy-en-Valois

par Jean-Yves Bonnard


Une attente sous tension

Depuis la Libération de Paris, les habitants de Crépy-en-Valois s'attendent à voir surgir les troupes libératrices. Mais le 28 août, vers 17h, ce sont trois chars allemands qui pénètrent dans la ville et se dirigent vers l'école des garçons de la rue Alexandre-Dumas. Rue du Maréchal Pétain (aujourd'hui rue de Senlis), tandis que les habitants se réfugient dans les caves, une rafale blesse grièvement M. Marie Rotsen, employé des contributions indirectes. Peu de temps après, tandis que des habitants portent secours à M. Rotsen, les trois chars reprennent la rue du Maréchal Pétain. Un officier descend d'un char, dégaine son arme et, devant son épouse, abat M. Rosten d'une balle dans la tête (version J-M Tomasini).

Durant la nuit, des side-cars allemands traversent la ville et tirent sur les maisons au moindre mouvement. Une habitante, Mme Boury, est ainsi grièvement blessée au bras par un tir tandis qu'elle ouvre sa fenêtre.

Le 29 août, l'ordre de repli de la 47e division allemande est donné vers 17h30. Son échelonnement fait de Crépy-en-Valois une place forte le 30 août matin. Des batteries sont ainsi installées aux abords de la ville et dans les propriétés d'habitants (M. Geresmes, Scart...) Puis, après leur départ de Senlis dans l'après-midi, les troupes allemandes quittent Crépy-en-Valois en soirée en direction de Compiègne.


La progression américaine

Le secteur est de l'Oise est libéré par la 5th Armored Division. Le 30 août, l'armée américaine dépasse Paris pour prendre une direction générale Nord - Nord-Est vers Saint-Quentin (Aisne). Le 31 août, en matinée, Senlis, Baron et Nanteuil-le-Haudouin sont libérés. En fin de journée, Verberie et Crépy-en-Valois sont repris mais les forces américaines, soumises à des tirs retardateurs de fantassins allemands, demeurent en lisière des massifs forestiers de Compiègne et Retz. Plus à l'est, les troupes américaines ont fortement avancé, reprenant Villers-Cotterêts puis Soissons. Le 1er septembre, les massifs forestiers sont traversés, Compiègne est libérée et l'Aisne est franchie.

Libéré par le 8th Infantry Regiment de la 4 ID ce 31 août 1944 vers 11 heures, Crépy-en-Valois est traversé par des convois américains sont les ovations des habitants. Un drapeau français flotte déjà sur le clocher de Saint-Thomas. De leur côté, les FFI les accompagnent dans les opérations de "nettoyage" de la ville et des alentours. Cachés dans une maison rue du Lion, des Allemands sont arrêtés et emmenés place de la République.


Une fête solennelle de la libération est célébrée en l'église Saint-Denis le 3 septembre. Le 8 septembre, un comité local de Libération est institué, lequel dépose le maire Jean Vassal. Il est remplacé par une chambre constituée de six conseillers maintenus, deux de l'ancien conseil municipal et quatorze nouvelles personnes. Le Dr Marcel Quentin est désigné maire par intérim. Le 25 septembre, un arrêté préfectoral nomme le nouveau conseil municipal avec à sa tête Jean Vassal lequel convoquera l'assemblée le 15 octobre suivant pour son installation.

Américains place du Paon à Crépy-en-Valois.

Récit de Georges Asselineau (1929-2009),

alors collégien de 3e âgé de 14 ans

(l'orthographe et la ponctuation du texte ont été rectifiées).


"Le lundi 28 août, des Allemands lancèrent des grenades dans la poste, mirent le feu à la Kommandantur et à un dépôt de farine, mais grâce à quelques hommes, il n'y eut rien de détruit gravement. Une automitrailleuse allemande arriva et les Allemands qui étaient dedans tuèrent un homme qui traversait la rue. Pendant une heure, ils tirèrent au hasard dans les maisons.

Le lendemain, ils recommencèrent et tuèrent et blessèrent une personne qui était derrière sa fenêtre. Les rues étaient désertes, sur la ville, un silence terrifiant planait; il n'était troublé de temps en temps que par des coups de feu tirés au hasard.

Le mercredi, les Allemands placèrent des canons antichars aux abords de la ville et des fantassins se postèrent à l'orée d'un bois.

L'après-midi du mercredi 30 août, des mortiers américains tirèrent sur les positions allemandes puis, à 5 heures, un tank américain se montra. il fut reçu par quelques obus qui ne le touchèrent pas. Il répondit par intermittence pendant deux heures sur les abords immédiats de la ville.

A 10 heures du soir, on n'entendait plus un bruit, même le canon s'était tut.

A 2 heures du matin, les Allemands se replièrent sur la forêt de Compiègne.

Le matin, à 6 heures, il n'y avait plus un Allemand dans le pays.

La journée s'annonçait belle; les rues qui avaient été désertes pendant quatre jours se remplissaient. En haut du vieux clocher, le premier drapeau s'éleva; peu à peu, d'autres sortirent des fenêtres, les rues devinrent noires de monde. Les fleuristes préparaient des bouquets. Des enfants couraient agitant des drapeaux.

A 10h15, les cloches de la vieille église s'ébranlèrent. La première voiture arriva, elle ne put avancer, un flot humain l'en empêchait ; les fleurs pleuvaient, les habitants donnaient quelques bouteilles de bon vin français. Un groupe de FFI passa. La Marseillaise jaillit de milles poitrines. Les hommes riaient, les femmes, dans leur joie, pleuraient. Là-haut, dans le ciel bleu, les cloches égrenaient leurs notes claires et gaies. Pendant cinq heures, les Américains passèrent ; beaucoup d'habitants ne mangèrent pas à midi, ils s'étaient rassasiés de joie. Tandis que le peuple débordait de joie, acclamait ses libérateurs, des FFI et des Américains qui venaient de passer le sourire aux lèvres, arrivaient à la lisière de la forêt de Compiègne et se faisaient tuer pour la liberté et que vive la France."


Sources

BARRIER Robert, Crépy-en-Valois, 1900-1950, histoire anecdotique Tome 3, Ed. Lieu-Restauré, 2002, p.268-269.

DANCOISNE Eric, La vie quotidienne à Crépy-en-Valois en 1944, in Annales historiques compiégnoises n°168, printemps 2024, p.40-48.

PILOT Marc, Vive les Américains ! La libération de la région de Compiègne, in Annales historiques compiégnoises n°168, printemps 2024, p.51-52.

TOMASINI Jean-Marie, Crépy-en-Valois, mille ans d'histoire, Corps 9 Editions, 1987, p.178-184.

Américains place du Paon à Crépy-en-Valois.

Voiture des FFI devant l'Hôtel des Portes de Paris à Crépy-en-Valois.

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