1944-Liberation Noyon

La Libération de Noyon
1er - 2 septembre 1944
par Jean-Yves Bonnard

Au lendemain du Débarquement (6 juin 1944) et de la percée d’Avranches, les armées alliées entament la reconquête de la France. Après une rude résistance face au rouleau compresseur anglo-américain, le 16 août, les Allemands se replient sur la ligne Escaut - Meuse – Plateau de Langres – Suisse formant un noyau défensif à Noyon.
Les recherches initiées par Jean Goumard et menées avec Jean Douy nous permettent de prendre la mesure de la bataille qui s’y est déroulée dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944.
Char américain dans Noyon
Sur la route de Noyon
Après avoir passé la Seine à Paris le 30 août, la 5ème Division Blindée poursuivit son offensive en direction du département de l’Oise. Les trois unités de combats (Combats Commandos, CC) se virent chargées de reprendre la vallée de l’Oise (CC-B), la forêt de Compiègne (CC-R) et la ligne Compiègne - Soissons (CC-A). Les forces d’intervention lourde et légère (Task Forces) des lieutenants-colonels Anderson et Gilson, formant le CC-B, purent libérer Creil et Verberie le 31 août mais durent atteindre l’intervention du Génie pour passer l’Oise à Pont-Sainte-Maxence et Compiègne le 1er septembre. L’avance prise par le CC-R et le CC-A en rive gauche de l’Oise imposa au Général Gerow de poursuivre de nuit l’offensive vers le Nord pour atteindre la frontière belge à Condé-sur-l’Escaut. Tandis que la force Anderson devait suivre l’itinéraire Rémy – Catigny –Ham - Valenciennes, celle de Gilson devait suivre l’axe Chiry – Noyon – Bellicourt – le Catelet - Valenciennes. La RN 32 devint une voie principale avec, en tête de colonne, l’unité de reconnaissance du lieutenant Doolittle suivie à 1,5 km des compagnies A du 81ème bataillon de chars du lieutenant Lant et du 15ème bataillon d’infanterie blindée du lieutenant Mc Cormick, devançant le 71ème bataillon d’artillerie blindée de campagne.
Mais à Noyon, depuis le matin, les soldats de la 348ème Division d’Infanterie de la Wehrmacht organisaient leur défense, protégeant les entrées de la ville par les mitrailleuses et des mines. Ainsi, une mitrailleuse était postée à l’angle de la rue de Montdidier, une autre boulevard Gambetta tandis que les canons anti-char étaient installés Boulevard Charmoluë et dans la cour de l’usine Necto (aujourd’hui Abex) située au lieu-dit Le Guidon (route de Pont-l’Evêque). A midi, l’alarme retentit : des « deux queues » survolaient, mitraillaient et bombardaient la ville. L’alerte passée, les troupes allemandes renforcèrent leurs postes de combat.

Une résistance acharnée

Bientôt, au son grandissant des moteurs des camions et des chars alliés remontant la vallée de l’Oise, la route de Paris devint la principale priorité de la défense allemande. Vers 18 heures, une batterie d’artillerie hippomobile prit position place Saint-Jacques, avec en ligne de mire le Mont-Renaud. Conscient de l’imminence des combats, les habitants des quartiers périphériques évacuèrent leur domicile et convergèrent vers la cathédrale pour y trouver refuge, tandis que ceux du centre-ville rejoignaient les abris et les caves. L’agent de liaison André Régnier tenta alors de passer les lignes pour avertir les Alliés de l’organisation défensive allemande. Il fut abattu sur les pentes de la colline.
Vers 20 heures, une jeep de reconnaissance américaine gravissant le Mont-Renaud fut prise à partie par des tireurs isolés, blessant grièvement le lieutenant Doolittle et immobilisant le véhicule. Les canons allemands entrèrent en action peu après et un premier char Sherman prit feu au sommet de la colline. La réplique américaine ne tarda pas et la poche de résistance fut anéantie par la task force. Le lieutenant Lant prit alors la tête de la colonne et descendit la colline lorsque, dans la nuit tombante, les canons antichars firent feu de nouveau. Le char de tête fut touché ainsi que le half-track qui le suivait. Immobilisée en bas de versant, la colonne entière illuminée par les incendies des blindés devint une cible facile pour les bazookas et canons de 88mm allemands. Les épaves dégagées, les blindés américains poursuivirent leur progression quand, arrivée non loin du Guidon, un nouveau blindé fut atteint. Arrêtée aux portes de la ville, prise en embuscade entre les berges du canal du Nord et les premières maisons de Noyon, la colonne reçut l’ordre de faire marche arrière et, remontant la pente, se déploya sur le Mont-Renaud. Craignant d’être débordé, le lieutenant-colonel Gilson fit appel au 71ème bataillon d’artillerie blindée de campagne qui détacha sa batterie « A » pour prendre position sur le Mont-Renaud et tirer sur la ville.

Noyon bombardé

Au soir du 1er septembre, Noyon était la seule ville de l’Oise à n’être pas encore libérée. La poignée d’Allemands tenant Noyon était parvenue à ses fins : combattre dans la retraite et gagner du temps. L’avance alliée fut suspendue tandis que les cloches de Suzoy sonnaient la libération du village. Durant toute la nuit, la ville trembla des mitraillages et des échanges d’artillerie sous la lumière des fusées et des balles traçantes. D’abord intense, notamment Place Saint-Jacques, le bombardement perdit peu à peu de sa vigueur. Les Noyonnais restèrent cloîtrés dans leurs abris attendant leur libération avec inquiétude. Face au musée Calvin, un cycliste allemand mortellement blessé par un éclat d’obus geignit une partie de la nuit sans recevoir aucun secours de quiconque. A trois heures et demi du matin, le duel d’artillerie s’estompa laissant place au vacarme du repli allemand, des bruits des bottes et du départ du matériel militaire. On dira, plus tard, que cette pause devait permettre aux éclaireurs américains de déterminer si l’aviation devait intervenir pour écraser la poche de résistance. Il n’en sera rien. L’ennemi se replia. Noyon ne connaîtra pas un second « lundi de Pâques 1918 ». Une demie heure plus tard, les alliés reprirent le bombardement, mais les Allemands ne ripostaient plus… Ils avaient quitté les lieux. A cinq heures, enfin, les silencieux fantassins américains suivis des services de santé pénétrèrent dans la ville, progressant d’arbre en arbre, investissant les boulevards puis le centre-ville en tirant des rafales au jugé vers un ennemi supposé. Les chars américains suivirent peu après et pénétrèrent dans la ville par le même chemin qu’ils avaient dû rebrousser quelques heures plus tôt. Le moteur sourd des blindés munis de chenilles silencieuses alerta les habitants d’un défilé d’un nouveau genre. Passé la place Saint-Jacques, ils poursuivirent leur progression par le boulevard Charmoluë, le boulevard Mony et la rue de Lille pour rejoindre la route de Saint-Quentin. C’est alors que les Noyonnais comprirent qu’ils pouvaient sortir et accueillir en masse leurs libérateurs. Ce 2 septembre 1944, vers sept heures trente du matin, les cloches de Tarlefesse et de Morlincourt retentirent. Noyon était libéré.


Trop impatiente d’atteindre l’objectif assigné, la taskforce Gilson avait perdu trois tanks et trois half-tracks. Parmi les quatorze hommes morts en action ou de leurs blessures, figurent huit fantassins du 15ème bataillon d’infanterie blindée, cinq artilleurs du 81ème bataillon de chars et un capitaine français, l’officier de liaison tactique Marcel Jean Torris. La 5ème Division Blindée  aurait fait 115 prisonniers et tué une centaine d’Allemands lors de la prise de Noyon. Retardé de 12 heures par ces combats, le CC-B parcourut les 140 kilomètres restant jusqu’à la frontière dans la seule journée du 2 septembre…
Char américain abandonné au mont Renaud

Char américain déchenillé  au mont Renaud

Soldats alliés tués devant Noyon
le 1er septembre 1944

Officier de liaison français
CPN Marcel-Jean Torris

81ème Bataillon de chars
Pvt Melvin D. Cross
Cpl. Everett W. Mc Bee
Sgt. Alan G. Reid
T/4 Bernard W. Adams
Pvt Kearney Dunn

15ème Bataillon d’infanterie blindée
Sgt Garvice R. Duckworth
Pfc Woodrow W. Bush
Pfc Michael A. Digeronimo
Cpl Laurence A. Peters
Pfc Richard E. Atwood
Pec Clyde T. Cobaugh
Pvt Charles E. Schaffer
Pvt Jesse W. Brace
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