Base-aerienne-Beauvais-Tillé

L’aérodrome de Beauvais-Tillé

par Frédéric Gondron et Marc Pilot, notice créée le 15 janvier 2012


Durant la Première Guerre mondiale, le terrain de l'Aéroport de Beauvais était déjà utilisé par les avions de chasse de l’armée de l’air française. Situé sur la commune de Tillé, il se situe à environ 3 kilomètres au nord du centre ville de Beauvais. En 1931, un premier aéroclub du Beauvaisis vit le jour et s’y installa. Pendant la seconde guerre mondiale, l’aérodrome se développa avec la croissance de l’importance des armes aériennes. C’est tout d’abord une unité de l’armée de l’air française qui s’y installa : le célèbre groupe de chasse I/2, dont la mission était la défense du nord de Paris. Puis dès juin 1940, les allemands prennent possession des installations sommaires et les développent.

 

Les installations

L’actuel aéroport de Beauvais-Tillé conserve encore de nombreuses traces des travaux et des aménagements entrepris par la Luftwaffe dès 1940. L’occupation du terrain s’étendait jusqu’aux communes environnantes (Nivillers, Bonlier, Tilloy, etc) avec de nombreux abris et dépôts de munitions. Les munitions étaient acheminées jusqu’au terrain par une voie ferrée étroite spécialement construite à cet effet, elle permettait également d’acheminer des matériaux de construction ou des matériels divers. Quant au terrain lui-même, mis à part les installations administratives ou de protections utiles au fonctionnement du terrain, il y eut entre 50 et 60 abris pour avions.


Dès juillet 1940, un petit train grimpant à Marissel, parcourant la route de Clermont en direction du Tilloy et transportant des matériaux tirés des ruines de Beauvais, sévèrement bombardée en juin 1940, se dirige vers l’aérodrome pour effectuer les premiers travaux. Ce sont des tonnes de déblais qui sont ainsi transportées. Les Allemands construisent deux pistes d’envol en ciment et des pistes d’accès. Les deux pistes ont une longueur respective de 1600 et 1700 mètres de long. Toutes ces installations nécessitèrent une main d’œuvre nombreuse. C’est ainsi que la population beauvaisienne vit arriver pendant l’hiver 1940-1941, un forte main-d’oeuvre belge et hollandaise, renforcée par une main d’œuvre locale. Tout le personnel de la base était géré par le Fliegerhorst E11 (Fliegerhorst : sorte de compagnie de l’air chargée de la construction, de l’aménagement, de la gestion et de la maintenance des aérodromes au niveau du matériel et du personnel non naviguant, des bâtiments, des pistes, etc.) Mais la Luftwaffe n’attendit pas que les pistes en dur soient construites pour s’en servir, car la Bataille d’Angleterre avait déjà commencé. Les bombardiers alors présents sur l’aérodrome décollaient et atterrissaient sur l’herbe. Les travaux des pistes prirent fin lors du dernier trimestre 1941.

Devant la menace des attaques de l’aviation alliée et des bombardements, les allemands équipèrent le terrain de défense anti-aérienne (la Flak) et d’abris souterrains pour les servants. Puis au cours de l’année 1942, des murs en brique furent construits pour protéger les avions des éclats de bombes.

La Luftwaffe et la bataille d’Angleterre

 (juillet – octobre 1940)

L'objectif des Allemands était la neutralisation de la Royal Air Force, de manière à permettre la traversée de la Manche et le débarquement de la Wehrmacht sur les côtes sud de l'Angleterre. Pour participer à cette campagne, la Luftwaffe avait regroupé trois Luftflotten, ou "Flottes aériennes" : deux sur les côtes de la Manche (en France, en Belgique et aux Pays-Bas) et une dans le sud de la Norvège. La Luftflotte 2 (dont dépendent à l’époque les aérodromes de Beauvais-Tillé et Creil), commandée par le maréchal Albert Kesselring, était responsable du bombardement du sud-est de l'Angleterre, et plus particulièrement de la région londonienne.


Les unités allemandes à Beauvais-Tillé

Les premières utilisations de l’aérodrome de Beauvais-Tillé par La Luftwaffe s’effectuèrent pendant la bataille d’Angleterre. Il est donc normal d’y retrouver parmi les premières unités à s’installer des groupes de bombardiers, l’Allemagne nazie voulant frapper fort au cœur de l’Angleterre et marquer fortement les esprits de la population anglaise. La présence de ces unités lourdes sur l’aérodrome fait de celui-ci un maillon important dans le dispositif des attaques contre l’Angleterre. Une preuve supplémentaire de cette importance est la présence à Beauvais de l’état-major du Fliegerkorps I entre le 1er juillet 1940 et juin 1941. Cet état-major, commandé par le Generaloberst Ulrich Grauert. Ce Fliegerkorps I était responsable de toutes les questions opérationnelles telles que le déploiement, le trafic aérien, l'artillerie antiaérienne et la maintenance.

Le Kampfgeschwader 76 (I / KG 76) (Kampfgeschwader : escadron de bombardiers) arriva en juin 1940 et posa ses bombardiers Dornier Do 17Z jusqu’au 24 octobre. Quelques jours plus tard, en juillet, le Sturzkampfgeschwader 1 (SKG 1) vint renforcer les premiers bombardiers avec des « Stukas » Junkers Ju 87B, le plus célèbre des bombardiers en piqué (Sturzkampfflugzeug en allemand, Stuka en abrégé). Cette unité ne resta qu’un mois, mais elle fut vite remplacée par d’autres unités, La bataille d’Angleterre avait pris entre temps un autre caractère : les attaques se faisaient maintenant de nuit. Le type d’avions employés avait changé. Le Kampfgeschwader 26 (KG 26) s’installa entre septembre 1940 et février 1941 équipé de Heinkel HE 111. Si le KG 26 resta environ 6 mois sur les pistes du Tillé, les suivantes firent des passages beaucoup plus rapides. Ainsi le Kampfgeschwader 77 (I / KG 77) resta moins d’un mois avec ses Junkers Ju 88 A-1, du 3 au 22 mars 1941, puis le Kampfgeschwader 4 (III / KG 4) avec ses Heinkel He 111, du 30 juin au 19 juillet 1941. Les deux unités de bombardement suivantes ne s’attardèrent guère plus de temps. Le Kampfgeschwader 54 (II / KG 54) posa ses Junkers Ju 88A-1 un peu plus d’un mois, du 9 juillet au 16 août 1942 et le Kampfgeschwader 6 (I / KG 6) de décembre 1942 à février 1943 avec des Junkers Ju 88A-1.

Après la bataille d'Angleterre, l’aérodrome perdit de son importance stratégique, ce qui explique les courts passages de certaines unités à partir de 1941. L’aérodrome servit d’avantage de terrains de délestage, de secours ou de ravitaillement, les escadrilles ne faisant que transiter entre les aérodromes de Normandie et du Pas-de-Calais. A partir de 1942, les passages de la RAF, l’armée de l’air anglaise, étant de plus en plus fréquents, l’aérodrome accueillit des unités de la Flak. Ces attaques répétées de la RAF entraînèrent un autre changement dans la configuration du terrain occupé par la Luftwaffe : les bombardiers firent place à l'aviation de chasse allemande.

Une première escadrille vint occuper le terrain à la fin de l’été 1943, du 15 août au 3 octobre, la Jagdgeschwader 26 (II / JG 26) (Jagdgeschwader : escadron de chasseurs). Cette unité d’élite de la Luftwaffe était équipée de Focke-Wulf Fw 190A. La présence prolongée d’unités  sur les terrains se faisait de plus en plus rares car les rapports de force ayant été inversés, c’étaient à présent les Alliés qui bombardaient les terrains allemands et donc il ne fallait jamais longtemps sur un même terrain. La 3ème escadrille de la Jagdgeschwader 1 (III / JG 1) vint au Tillé du 6 au 30 juin 1944 avec 17 Messerschmitt Bf 109G (Me 109G) et ses pilotes étaient logés à l’École Normale dans Beauvais. Quand à la dernière unité à fréquenter le terrain, la 2ème escadrille de la Jagdgeschwader 11 ( II / JG 11), équipée elle aussi de Me 109G, elle s’installa du 6 au 20 juin 1944 à Nivillers, aménagé de façon plus rudimentaire (pistes en herbe) comme terrain de desserrement. Cela permettait aussi aux Allemands d’éviter d’avoir trop d’avions réunis sur un seul terrain. Malgré toutes ces précautions, le 11 juin, 12 bombardiers B-24 de la 8ème Air Force américaine larguent trente tonnes de bombes sur Beauvais-Tillé, détruisant plusieurs appareils de la JG 1 ainsi que de nombreux bâtiments.


Sources

Mémoire de l'Oise n°15, janvier 2012.

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