La base aérienne de Creil
par Jean-Pierre Besse, notice créée le 20 juin 2003
L'installation pour la Bataille d'Angleterre
En juin 1940, les autorités allemandes réquisitionnent 350 hectares, dont 15 du parc du Château, sur Verneuil-en-Halatte, et 300 hectares sur Creil et Aumont pour la construction de la base confiée à l’organisation Todt. En l’espace d’un mois, une première piste bétonnée de 1 720 mètres de long sur 49 mètres de large est construite orientée nord-est/sud-ouest. Une deuxième piste est construite durant l’été, de 1 640 mètres de long et 49 mètres de large, d’orientation sud-est/nord-ouest. La base devient opérationnelle en septembre 1940 et est utilisée dans le cadre de la Bataille d’Angleterre.
Une base pour la chasse
En 1942, du fait de la perte progressive de la suprématie aérienne de la Luftwaffe sur le front de l’Ouest et de l’intensification de la bataille sur le front Est contre l’URSS, la stratégie allemande est modifiée. La base aérienne de Creil est alors équipée de groupes de chasse en appareils de types FW 190 et ME 109. La base est bombardée plusieurs fois en 1944 et plusieurs fois mitraillée.
Minée fin août 1944, elle est récupérée par la 8ème USAF début septembre 1944 sous l’appellation de A 81 C. Les forces des Etats-Unis utilisent les pistes après les avoir remises en état sans en modifier l’infrastructure au titre de base de dégagement. Ils occupent cette base jusqu’au 16 janvier 1946, date à laquelle elle est remise aux autorités françaises.
Sources
BESSE Jean-Pierre, L'Oise septembre 1940-septembre 1944, Gouvieux, 1998, 218p (renseignements fournis par Gilbert Marionval).
L’aérodrome de Creil
par Frédéric Gondron et Marc Pilot, notice créée le 15 janvier 2012
C’est dès 1910 que les premiers avions se posent sur ce qui sera la future base de Creil. Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée de l’air française occupera le terrain sans y faire de réels aménagements. Dès 1931, l’armée prévoit de protéger le site en cas de mobilisation au moyen de DCA (Défense Contre Avion). En 1937, le terrain est officiellement répertorié comme terrain de desserrement tandis qu’en 1938, les lieux sont utilisés par l’aviation de tourisme. Au cours de 1940 le terrain ne reçoit aucun avion français.
L’arrivée des allemands et la construction de l’aérodrome
Dès leur arrivée et la prise en main du terrain en août 1940, les Allemands vont mettre en place une structure importante : ils commencent par construire deux pistes bétonnées respectivement de 1640m X 50m et de 1720m X 50m. A la différence de Beauvais, les matériaux de remblai sont extraits des carrières environnantes. La main-d’œuvre locale réquisitionnée est encadrée par l’armée et des ingénieurs civils rattachés à la Luftwaffe. Cet encadrement appartenait au Fliegerhorst E 4/I, dont la Kommandantur était stationnée au lycée Jules Uhry. Les travaux furent très importants et durèrent jusqu’en 1944. Parmi les installations on compte un balisage complet des piste, une rampe d’approche et environ 50 hangars construits pour accueillir bombardiers ou chasseurs, le tout protégé par plusieurs batteries de Flak (défense antiaérienne allemande). Plusieurs dizaines de baraquements en bois furent également construits et pilotes pouvaient se réfugier en cas d’attaque dans des abris souterrains.
Un aviation de bombardement
A peine l’armée allemande a-t-elle franchi l’Oise et se dirige sur Paris que la Luftwaffe occupe le terrain de Creil. Idéalement situé au nord de Paris et suffisamment en retrait des côtes, ce terrain offrait une position stratégique dont le champ d’action s’étendait du Pas-de-Calais aux côtes normandes et qui permettait d’intervenir rapidement sur la capitale. Ce lieu fut préféré au terrain des Aigles de Gouvieux qui n’offrait pas un espace suffisant pour développer un grand aérodrome (ce que deviendra Creil, véritable plaque tournante de la Luftwaffe au mois de juin 1944).
Les premiers bombardiers, des Heinkel 111P, arrivent donc dès le 13 juin 1940. Ils appartiennent au Kampfgeschwader 28 (III / KG 28) qui les échangera contre des Junkers 88. Le KG 28 reste à Creil jusqu’en octobre qui marque la fin de la bataille d’Angleterre. Les activités de l’aérodrome semblent avoir été mises en sommeil jusqu’à la mi-mars 1941. Le KG 76 reviendra s’y baser quatre mois avant d’être remplacé par le Kampfgeschwader 4 (I / KG 4 équipé de Heinkel 111H) qui ne restera que 3 semaines, quittant les lieux le 19 juillet.
A partir du 1er mai 1942 commence la valse des groupes de bombardiers : Kampfgeschwader 77 (Junkers 88 A) jusqu’au mois de novembre puis Kampfgeschwader 6 de mars à décembre 1943.
Si cette première moitié de la guerre est marqué par la présence des bombardiers, la suite de la guerre sur la base de Creil va être marquée par l’empreinte d’un grand groupe de chasse de la Luftwaffe : le Jagdgeschwader 2 (JG2).
Un groupe de chasse
Le Jagdgeschwader 2 (JG2) « Richthofen » est ainsi nommée en l’honneur de l'as de la Première Guerre mondiale Manfred von Richthofen. Ce groupe de chasse arrive à l’automne 1943, avec à sa tête le Major Egon Mayer. C’est tout d’abord l’état-major du groupe de chasse qui pose ces Messerschmitt Bf 109 G à Creil, suivi du deuxième escadron du groupe (II / JG 2) avec pas moins d’une cinquantaine de BF 109 G. Autant dire que la Luftwaffe considère que l’aérodrome de Creil va jouer à partir de cette date un rôle important. A cette époque on commence, en effet à envisager la possibilité d’un débarquement allié sur les plages du Pas-de-Calais ou de Normandie. Creil permettait d’atteindre ces deux zones en une dizaine de minutes.
Les pilotes allemands interviennent avec succès lors de mission contre les vagues de bombardements alliés de plus en plus nombreuses sur le territoire français. Ce groupe de chasse très réputé compte parmi ses rangs des nombreux « as » de la Luftwaffe. Au mois d’avril 1944, l’Oberstleutnant Kurt Bühligen prend le commandement de la JG 2. Ce pilote aux quelques 112 victoires va être un commandant très efficace au moment de l’offensive alliée en France.
Creil accueille début juin 1944 le premier escadron du groupe (I / JG 2) avec 20 Focke-Wulf 190 A8. Ces avions vont se poser sur le terrain de desserrement de Chamant (Senlis). Ces renforts ne vont pas être de trop car le 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie. Début juillet, le troisième escadron du groupe (III / JG 2) vient également prêter main forte, mais cela reste insuffisant. La JG 2 quitte alors Creil et sa région en cet été 1944 et malgré la défaite qui se profile pour l’Allemagne nazie, le groupe présente un bilan de combat de 144 victoires. Cependant, il a perdu de nombreux pilotes, jeunes le plus souvent et manquant d’expérience.
Les chasseurs de la JG 2 Richthofen ne sont cependant pas les derniers avions à se poser à Creil. Le 15 août 1944, des avions aux caractéristiques plus modernes arrivent tout droit d’Étampes : des chasseurs Messerschmitt 262A du groupe I / KG 51. Ces avions sont les premiers avions de chasse à moteur à réaction de l’histoire. Mais ces avions sont encore peu fiables et en font des engins difficiles à piloter. Ils resteront jusqu’au 27 août, peu avant la Libération de l'Oise par les Alliés.
Malgré le déploiement et le maintien de ces unités par la Luftwaffe sur le territoire isarien jusqu'en août 1944, les Allemands ne purent empêcher le déferlement des forces terrestres et aériennes alliées en route pour la Libération.
Sources
Mémoire de l'Oise n°15, janvier 2012.
Liens
Le stockage des V1 dans les carrières de Saint-Leu-d'Esserent