1942 Camp juif

Le camp juif (13 décembre 1941 - 26 juin 1942)
par Jean-Yves Bonnard

Courant décembre 1941, le MBF veut mettre en pratique une mesure considérée comme plus dissuasive contres les attentats: la déportation de masse. Outre les communistes, les juifs sont désignés comme la principale cible, formant ainsi l'ennemi "judéo-bolchévique". Le 12 décembre 1941, en représailles aux "attaques terroristes" menées contre des soldats allemands, 743 juifs sont arrêtés à Paris et envoyés et rassemblés à l'Ecole Militaire. Ils sont rejoints par 300 autres juifs et apatrides arrêtés en août et détenus à Drancy. Ces otages voués à la déportation rejoignent la gare du Nord et arrivent au camp de Royallieu dans la nuit du 12 au 13 décembre pour être regroupés dans une partie du camp, le secteur C, avec les Russes et les Yougoslaves.

Une organisation précaire
Le millier de juifs réuni à Royallieu ne doit théoriquement qu'y transiter. Des difficultés d'organisation du transport ferroviaire remettront en cause le projet de déportation pendant plusieurs mois. De fait, les détenus, mis au secret, s'organisent au jour le jour, sans chauffage, avec peu de nourriture et sans pouvoir recevoir de colis. Rescapé du camp, Jean-Jacques Bernard l'appellera "Le camp de la mort lente".
Le 18 décembre 1941, 35 détenus sont libérés (20 hommes de plus de 65 ans). Deux jours plus tard, 38 grands malades quittent le camp.
Par décret du MBF du 10 février 1942, le "camp juif" de Royallieu est officiellement créé et prévoit la mise en place d'une "section spéciale où les juifs seront séparés des autres détenus administratifs".
Le 13 mars 1942, 58 détenus sont libérés tandis que les deux jours suivants, des transferts sont effectués sur le camp de Drancy.
Ainsi, le 19 mars, 178 détenus de moins de 18 ans et de plus de 55 ans sont conduits dans une annexe du camp. Là, des gendarmes français les entravent et leur font traverser Compiègne pour rejoindre la gare, destination Drancy. Se trouvent parmi eux Georges Kohn (56 ans), industriel, et Edouard Laemlé (65 ans), président de la Cour d'appel.

Les convois de déportation
Le 27 mars 1942, un premier convoi de 1112 otages juifs quitte le camp de Royallieu pour Auschwitz au départ de la gare de Compiègne en voitures de voyageurs. Le camp apparaît alors comme un lieu de détention avant déportation. Aussi, le 29 avril 1942, 784 juifs extraits du camp de Drancy sont transférés à Royallieu. Il seront rejoints  début mai par d'autres hommes extraits des camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers.
Le 5 juin 1942, un second convoi de 1000 juifs sera formé  pour la même destination. La plupart était d'origine étrangère.
Les 23 et 26 juin suivants, la plupart sont transférés au camp de Drancy. Mais le 6 juillet, cinquante juifs encore présents dans le groupe C sont déportés à Auschwitz avec 1105 autres détenus en grande majorité communistes (le convoi de 45 000).

Les dix-huit derniers détenus juifs du camp connaîtront un autre destin. Intégrés dans le groupe A, ils quitteront le camp de la mort lente pour connaître d'autres conditions de détention. Peu après, le MBF met fin au camp juif de Royallieu pour faire de Drancy le principal centre de déportation antisémite. Près de 3500 internés juifs auront transité par le camp de Royallieu.

Sources:
BERNARD Jean-Jacques, Le camp de la mort lente (Compiègne, 1941-1942), Albin-Michel, 1944.
KLARSFELD Serge (dir), Le camp juif de Royallieu-Compiègne (1941-1943), témoignages de Castro Saül, Gompel Roger, Jacob-Rick Henir, Kohn Georges, Rousso Robert-Lazare, Rutkowski Adam, Wellers Georges, Ed. Le Manuscrit, 2007.
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