La Charte du travail
par Jean-Pierre Besse
Adoptée en novembre 1941, la Charte du travail forme un ensemble incomplet et inachevé qui instaure un syndicat unique. Le monde du travail est divisé en vingt-neuf familles professionnelles, organisées de bas en haut, du local au national.
Le comité social professionnel, tripartite, est la pierre angulaire de cette nouvelle organisation. Il a en charge les questions d'ordre professionnel, les règlements relatifs à l'embauche, à l'hygiène et à la sécurité. Dans le cadre de l'entreprise, les comités sociaux d’entreprise sont les ancêtres des comités d’entreprise actuels. Destinés à lutter contre l’esprit "lutte des classes", ils doivent "instituer la représentation des différentes catégories de personnel en accord avec le chef d’entreprise afin d’aider la direction à résoudre toutes les questions relatives au travail et à la vie du personnel". Parfois désignés, souvent élus, les représentants du personnel peuvent faire état de leurs doléances dans les réunions du comité. Dans la pratique, les CSE ont principalement exercé une fonction d’assistance. Dans les grandes entreprises du bassin creillois, ils organisent des cantines, distribuent des pommes de terre, du charbon. Certains établissements mettent en place une coopérative de consommation (Englebert à Clairoix).
La mise en place de la Charte du travail est lente dans le département de l'Oise. L'inspecteur du travail signale, le 31 janvier 1942, qu'il n'y a pas d'association professionnelle mixte dans le département et le sous-préfet de Senlis, le 28 janvier, que "La Charte du travail n'a pas encore reçu son application dans mon arrondissement. Seuls deux établissements (Guilleminot et les Forges de Montataire) viennent de procéder à la désignation de leurs délégués au Comité social provisoire d'entreprise".
En juin 1942, vingt comités sociaux existent dans l'Oise, ils regroupent 8 367 ouvriers. En février 1943, le délégué départemental à l'Office des comités sociaux, Maurice Massal, de Pont-Sainte-Maxence, déclare dans une interview à La Tribune de l'Oise qu'il existe cinquante comités sociaux dans le département. Il cite ceux des Forges de Montataire, d'Albaret (Rantigny), de la MFTC (Beauvais), de Marinoni (Montataire), de la CIMA-Wallut (Montataire), de Francolor (Villers-Saint-Paul), de Daydé (Creil), de Brissonneau (Creil), de Saxby (Creil), de Montupet (Montupet), de Guilleminot (Chantilly), de Paillard-Mouy), de Desenoyers (Laigneville), d'Ercuis...
Il existe, en 1943, un office départemental des comités sociaux, dont le siège se trouve 173 rue Jean-Jaurés à Creil, et dont les membres sont d'anciens syndicalistes CGT : Dhardivillers, ancien secrétaire de l'UD-CGT, Pillon, ancien trésorier de l'UD, Coppeaux, Massal, Schmidt, ou de la CFTC (Oisel).
Les rapports des préfets reviennent très souvent sur le peu d'empressement de la classe ouvrière à rejoindre les syndicats uniques, le peu d'enthousiasme à l'égard de la Charte du travail et mentionnent la fidélité des ouvriers aux syndicats d'avant-guerre. Ils insistent cependant sur la différence de comportement entre "les ouvriers" et "ceux qui sont attachés à l'étude des questions sociales (comprenez certains responsables syndicaux d'avant-guerre, note de Jean-Pierre Besse) qui ont compris l'intérêt de la nouvelle organisation".
Sources
:
AD Oise, 33 W 8 237 - AD Oise, 33 W 8 691 - Rosenzweig-Leclère Françoise, L'Oise allemande (25 juin 1940- 2 septembre 1944), impact économique et social sur le département, Thèse de doctorat, Thèse de doctorat, Université Paris 8, 2002, 374p.
Liens :- Les organisations syndicales oisiennes