Chevrières - affaire Caron

 

L'affaire Edmond Caron, de Chevrières
par Jean-Yves Bonnar
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Le 17 mai 1940, un décret inséré au Journal Officiel de la République Française le lendemain porte création des gardes territoriaux afin de participer à la recherche et à l'arrestation de parachutistes allemands. Dès le 19 mai, les maires de l'Oise sont invités à constituer cette garde civile en recrutant des hommes parmi, notamment, les anciens combattants. Forts de ces instructions, les gardes nationaux mènent des patrouilles et réalisent quelques arrestations d'aviateurs abattus parachutés. C'est dans ce contexte de participation des civils dans les affaires militaires que se déroule l'affaire Caron.

As de la chasse allemande, le capitaine Mölders est arrêté le 5 juin 1940 après un combat aérien perdu qui le conduira dans un camp de prisonnier en France. Son arrestation par deux officiers français suivis par un civil conduira ce dernier à la prison.

L'as abattu

Le 5 juin 1940, le Messerschmitt BF109E4 du pilote Werner Mölders est descendu au cours d'un combat aérien au sud-ouest de Compiègne remporté par le sous-lieutenant René Pomier-Layrargues à bord de son Dewoitine D520. 

Chef d'escadrille du 1/JG 53, le capitaine Mölders avait reçu la mission, en octobre 1939, de constituer un 3e groupe de chasse pour surveiller les frontières. Détenteur en avril 1940 de la croix de fer de 1ère classe pour ses sept premières victoires, il a reçu un mois plus tard la croix de chevalier de la croix de fer des mains du Reichsmashall Hermann Göring pour sa vingtième victoire.

De son côté, le sous-lieutenant Pomier-Layrargues n'a que quelques victoires à son actif. Il est abattu peu après par un chasseur allemand dans la même séquence de combat au dessus de Beauvais, et meurt dans le crash de son avion sur une maison de Marissel.

L'avion de l'as allemand tombe entre Canly et Sacy-le-Petit. Le capitaine Mölders, quant à lui, parvient à se parachuter et touche le sol indemne près du petit bois de Marival, à proximité de la ferme de Villerseaux. Il tente de se cacher dans un bosquet. Vers 17h00, maltrairé à coups de pied et de crosse, il est arrêté par deux officiers français du 195e RALT, le capitaine Giron et le lieutenant Vaux, suivis d'un civil, Edmond Caron, contremaître à la sucrerie de Chevrières.  Fait prisonnier, blessé par le civil, il est conduit au château de Blincourt pour y être interrogé puis conduit au 2e bureau de l'armée, entre Senlis et Chantilly. Le capitaine allemand prend la tête de la JG51  le 20 juillet  et participe à la Bataille d'Angleterre.

 Le procès d'un franc-tireur
Quelques mois après le début de l'occupation, l'armée allemande lance des recherches contre les civils français ayant participé à l'arrestation de soldats allemands. Malgré leur statut de "gardes territoriaux" institué par les textes officiels, les hommes (dont de nombreux anciens combattants) désignés pour faire des patrouilles dans les communes à la recherche d'aviateurs parachutés sont arrêtés par la police militaire allemande et incarcéré.
C'est ainsi qu'Edmond Caron est arrêté le 3 octobre 1940 et incarcéré. Il est accusé d'avoir asséné un coup de poing au visage du capitaine allemand lors de son arrestation, lui fendant l'arcade sourcilière. Pour ce geste, il est condamné le 7 novembre 1940 par le Tribunal Militaire allemande de Gand (Belgique) à 12 ans de travaux forcés, ramenés par la suite à 6 ans. Il est détenu à la prison de Siegburg (Allemagne).

Peu avant son décès accidentel dans un avion se rendant à Berlin, le colonel Mölders avait demandé la grâce d'Edmond Caron. Le général Goëring accéda à sa demande  qui devait être mise en œuvre le 31 décembre 1941. Faute de passeport, Edmond Caron reste détenu encore quelques semaines à Siegburg et ne rentre à son domicile que le 9 février 1942.

Sources :
Arch. Départ. Oise 33 W 8242 - MAVRE Marcel, La guerre 39-45 dans le ciel de l'Oise, 2006.
LHERBIER-MONTAGNON Germaine, Disparus dans le ciel, 1942.
PILOT Marc, La région de Compiègne pendant la Seconde Guerre mondiale, Annales historiques compiégnoises, p.145-146, 1994.

Pour aller plus loin



Extrait de La chute du capitaine Mölders, in site aerostories.free.fr/events/molders

   " Le 5 juin 1940, le 195ème RALT a établi son PC au château de Blincourt (près d'Estrées-St-Denis) et son 3ème groupe est cantonné à Grand-Frenoy et à Sacy-le-Petit.
   Vers 17 heures, au cours d'un combat aérien mettant aux prises plusieurs avions français et allemands, un avion allemand, après avoir échangé quelques bandes de mitrailleuses et quelques coups de canon, tombe, prend feu et explose à proximité de Sacy. Son pilote descend en parachute. Le combat a été suivi par le capitaine Giron du 111/195 et le lieutenant Vaux de l'état-major du régiment. Ces deux officiers s'élancent aussitôt à la recherche de l'aviateur. Giron est suivi d'un civil. L'aviateur allemand cherche d'abord à se cacher dans les blés très hauts à cette époque. Puis se croyant cerné, se constitue prisonnier et rend son pistolet automatique. C'est un grand jeune homme brun, vêtu d'une chemise bleue à manches courtes et d'une culotte grise et de bottes noires. Il n'a plus ni vareuse ni parachute. Il est assailli par le civil qui lui assène un coup de poing lui fendant l'arcade sourcilière avant que les officiers français aient pu intervenir. Le capitaine Giron se met alors en devoir de protéger l'Allemand désarmé contre la brute. Vers 17h 30, l'aviateur est conduit au château de Blincourt où il est interrogé et fouillé en présence du chef d'escadron Bassous, commandant provisoirement le régiment, du capitaine Drouot, son adjoint, et du lieutenant Vaux, officier du service de renseignements d'artillerie. Le maréchal des logis Zimmermann, (ex-chef de cabinet du maire de Marseille, M. Surleau), d'origine alsacienne sert d'interprète. Le prisonnier déclare se nommer Mölders, être capitaine prussien, âgé de 27 ans, il demande à connaître et à serrer si possible la main de l'aviateur qui l'a descendu "si proprement". Le commandant Bassous lui dit que ce n'est pas possible et lui serre la main.
   Le capitaine Mölders parle quelque peu français. Il prétend avoir été abattu par un "Morane", alors qu'il pilotait un "Messerschmitt", répond à un officier qui lui demande où il a appris le français… à l'école.
   Tandis que le capitaine Drouot, dans le civil médecin, panse la légère blessure de Mölders et lui donne à boire un verre de vin, on fait l'inventaire des objets qu'il avait dans les poches de sa culotte : un pistolet automatique 7,65 à manche de galalite claire, un livret de solde, un porte-monnaie avec 120 Mark, un bâton de pommade blanche pour les lèvres, une photographie où il était aux côtés du maréchal Goering, un télégramme de félicitations pour une récente décoration, la croix de Fer passée à son ruban noir, rouge et blanc (il s'agit en fait de la Ritterkreuz, la croix de Chevalier de la croix de Fer - NDE)
Le lieutenant Vaux mit ces objets dans une enveloppe à l'adresse du 2
ème bureau, le prisonnier fut accompagné au dit 2ème bureau de l'armée, situé entre Senlis et Chantilly. Le commandant Bassous rendit au capitaine Mölders sa Croix de Fer, marquant ainsi l'esprit "chevaleresque" des artilleurs français pour l'ennemi abattu mais brave.
   Vers 19 heures, on retrouvait le parachute et le lieutenant Vaux découvrait dans un champ, un plan de l'alimentation en huile et des commandes de l'avion abattu. Il porta le tout, le jeudi 6 juin au 2
ème bureau au cours d'une liaison au Service Géographique, puis au PC du général commandant l'artillerie de la VIIème Armée, situé au château de Mont-L'Évêque.
   Le 195
ème RALT fit alors mouvement et l'on n'entendit plus parler du capitaine Mölders dont la vareuse ne fut jamais retrouvée."


CARON Edmond Maurice

Emprisonné, condamné

par Jean-Yves Bonnard


Né  le 5 novembre 1884 à Grandcourt (Somme), marié et père de 5 enfants, il demeure à Chevrières (Oise) où il exerce la profession de contremaître à la sucrerie et distillerie Duchène et Cie lorsque la guerre est déclarée. Il participe à l'arrestation de l'as allemand Werner Mölders le 5 juin 1940, parachuté après que son avion ait été touché.

Arrêté par l'occupant allemand le 3 octobre 1940, accusé d'avoir frappé au visage l'aviateur allemand lui fendant l'arcade sourcilière, il est condamné le 7 novembre 1940 par le Tribunal Militaire allemande de Gand (Belgique) à 12 ans de travaux forcés, ramenés par la suite à 6 ans. Il est détenu à la prison de Siegburg (Allemagne).

Gracié par le général Goering sur la demande du colonel Moelders, il rentre à son domicile le 9 février 1942.


Sources

Arch. Oise 33 W8242. 

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