Témoignage de Léon Malmed
« Le 19 juillet 1942, après le départ de mes parents, je suis descendu du deuxième étage au premier avec ma sœur Rachel. Je serrais très fortement sa main. Ma mère, avant de suivre les gendarmes, m’avait donné un pot de beurre, denrée très rare en cette période de pénurie. Je le tendis, sans dire un mot, à Madame Ribouleau. Elle me remercia et, affectueusement, me serra sur sa poitrine. Je pleurais à gros sanglots, incapable de me calmer. Rachel restait silencieuse. Nous étions tous choqués par ce qui venait de se passer. Nous restions dans la cuisine, désemparés, incapables de réagir. Comment pouvais-je comprendre ? Pourquoi cette séparation si brutale ?
- Ils vont revenir, c’est une erreur, répétait Henri Ribouleau.
- Quel malheur que cette guerre ! De si braves gens ! Mais pourquoi leur en veut-on ? Qu’ont-ils fait ? répétait Madame Ribouleau.
Rachel, bravement, retenait ses larmes. Je continuais à sangloter, désemparé. Qui étaient ces voisins ? Je les connaissais à peine. Je réclamai mes parents entre deux sanglots. Madame Ribouleau nous fit asseoir et tenta de nous rassurer en nous parlant avec douceur. Elle avait conservé l’accent de sa région auquel nous n’étions pas habitués. Tous les quatre se montrèrent très gentils. »
Extrait de Nous avons survécu, enfin je parle
de Léon Malmed, Ed du Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne, 2010.