Le CDL clandestin

L'établissement d'une structure administrative clandestine :

le Comité départemental de Libération

par Jean-Yves Bonnard


Durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs mouvements de résistance se constituent dans le département de l’Oise, souvent influencés par la proximité de la région parisienne. Cinq d'entre eux auront une activité durable et importante dans le département, en l'occurrence :

- le Front National de lutte pour l'indépendance de la France (FN),

- Libération-Nord (Libé-Nord),

- l'Organisation Civile et Militaire (OCM),

- le mouvement Résistance,

- les Volontaires Ouvriers et Paysans (VOP).

Au milieu de l'année 1943, les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) et des Forces Françaises Libres (FFL) décident de donner une représentation politique aux forces combattantes en France en créant des comités départementaux de Libération (CDL). Dans l’Oise, les mouvements clandestins vont s'organiser pour donner au département la coordination militaire nécessaire à la libération du territoire et la structure administrative qui relèvera celle de Vichy.

Un premier CDL dans l'Oise

En novembre 1943, l'instituteur Edmond Léveillé, fondateur dans l'Oise du Front National de lutte pour l'indépendance (FN), crée un Comité Départemental de Libération Nationale (CDLN) en liaison avec les chefs des principaux mouvements de Résistance de l'Oise (Front National, Libé-Nord, OCM) des syndicats (CGT) et des partis politiques (le parti communiste, la SFIO, le parti radical socialiste).

L'objectif de cette structure clandestine est de préparer les conditions de l'établissement des pouvoirs publics qui succèderont à ceux du régime de Vichy. Edmond Léveillé prend la tête de ce CDL, le Front National étant alors l'organisation la plus forte en effectif, la mieux structurée et la plus active à travers son bras armé que sont les FTP et son organe de liaison qu'est le Patriote de l'Oise. Cet organisme né des résistants de l’intérieur est remis en cause quelques mois plus tard par le Comité National Français à Alger.

Edmond Léveillé.

Un CDL imposé par Alger
Le 21 avril 1944, à Alger, le général de Gaulle signe l'ordonnance relative à l'organisation des pouvoirs publics en France après la Libération laquelle prévoit l'institution des Comités départementaux de Libération. Soucieux de ne pas voir la capitale être cernée par des structures administratives dominées par les communistes, le gouvernement provisoire d'Alger envoie des délégués dans l'Oise pour constituer un CDL.

Il désigne Jacques Wallon et son frère Jean ainsi que leur cousin Yves Helleu s'installent dans l'Oise en avril 1944. Leur objectif est de rentrer en contact avec les chefs de la résistance locale pour procéder à la répartition des postes administratifs, militaires ainsi que politiques. Selon Jean Wallon, ils disposent alors des “pouvoirs les plus étendus”. Ils logent à Nointel, où la famille Wallon possède une maison de campagne. Elle sera leur PC malgré la présence d'un détachement allemand sur place.

Sensiblement au même moment, le 24 avril 1944, Edmond Leveillé, devenu en février interdépartemental du Front National, est arrêté à Amiens. Il est torturé et fusillé le 25 mai suivant. Les circonstances de son arrestation ne seront pas élucidées, ce qui jettera un trouble chez les membres des organisations de résistance.

Son collègue Pierre Auzi, instituteur communiste, le remplace à la tête du CDL.

C'est dans ce contexte tendu que les quatre envoyés du CNR entrent en contact avec le CDL de l'Oise. Jean Wallon relatera leur installation : " Notre arrivée à la première réunion clandestine du CDL groupant la plupart des organisations de résistance du département fut accueillie avec une méfiance qui se dissipa quand nous produisîmes les preuves de notre nomination. Sur le plan politique, la plupart des participants, dont les socialistes, n'étaient pas fâchés que le futur pouvoir soit assumé par un parisien issu de la bourgeoisie modérée, plutôt que par un communiste du crû. Sur le plan opérationnel, la défiance cessa lorsque nous distribuâmes à différents maquis, qui en étaient gravement dépourvus, deux tonnes d'armes et de matériel de sabotage que mon frère et moi avions été cherché en camion près de Joigny dans l'Yonne, dans un maquis spécialisé dans la réception de parachutage d'armes. Ce maquis faisait partie du réseau Jean-Marie de l'organisme Buckmaster, auquel nous appartenions "

Jacques Wallon.

Jean Wallon.

Yves Helleu.

Une activité grandissante
Avec le Débarquement et l'avancée des troupes alliées, le CDLN adopte une position plus officielle en sortant progressivement de la clandestinité.
Tous les courants sont alors représentés :
- sur le plan militaire : Front National ; Libération et Résistance ;
- sur le plan syndical : la CGT et le Front Uni de la Jeunesse Patriotique ;
- sur le plan politique : les partis Radical, Socialiste et Communiste.

Le CDL comprend alors cinq commissions :
- La commission d'action immédiate (ou militaire)
- La commission d'aide contre la déportation
- La commission sanitaire départementale
- La commission de ravitaillement départemental
- La commission d'épuration.

Les 10 et 12 juin 1944, le Comité Départemental de Libération de l'Oise, confirmé dans ses prérogatives par le Conseil National de la Résistance, se réunit pour " étudier les moyens d'appliquer efficacement les directives d'action dans le département. "
Il décide de lancer un appel à la grève générale immédiate et proclame " l'insurrection nationale " qu'il diffuse par la presse clandestine (Le Patriote de l'Oise n°27 de juin 1944). Des affiches placardées sur les murs des villes appelleront la population de l'Oise à prendre les armes :" soyez des combattants disciplinés, n'observez que les mots d'ordre qui vous seront donnés par les responsables qualifiés des organisations régulièrement accréditées auprès du Conseil National de la Résistance et de l'Etat Major des Forces Françaises de l'Intérieur ". Curieusement, ces appels seront signés du CDLN et des organisations le composant (hormis l'OCM et l'Union des Femmes Françaises) rompant dangereusement avec une discrétion imposée par les événements. En juin 1944, une note mentionne que " cet organisme semble être celui à travers lequel l'unité du peuple est envisagée ".
Pour autant, l'organisation locale se heurtera à celle décidée par le gouvernement provisoire.
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