Origine de la Résistance dans le Noyonnais

Origine de la Résistance dans le Noyonnais
par Jean-Yves Bonnard

Lieu de combats en mai-juin 1940, site de parachutages d’hommes, d’armes et de munitions de 1941 à 1944, secteur survolé par les bombardiers alliés de 1942 à 1945, le Noyonnais connaît, durant la Seconde Guerre mondiale, une Résistance active dans les domaines du ravitaillement en armes de Paris et du secours aux réfugiés.

1. Les précurseurs

Le cercle idéologique : les communistes/FTPF
L’une des premières organisations, et sans doute la plus active dès le début de la guerre, est celle des communistes menée par le couvreur André Dumontois, principal récupérateur d’armes et de munitions dans le Noyonnais. On note ainsi les noms d’Henri Drapier, de Jules Urier, de Maurice Quatrevaux, de Maurice Leleu, de René Roy, de Marcel Vermont et de Raymond Vinche, responsable CGT en 1936. Tous connaissent le sort des communistes allemands sous le régime hitlérien, ce qui, en dépit du pacte de non-agression germano-soviétique, renforce leur conviction. Ce groupuscule noyonnais, parfaitement connu des services de police français, est démantelé en octobre 1941. Déportés respectivement à Oranienburg, Sachsenhausen et Auschwitz, Henri Drapier et René Roy, Maurice Quatrevaux et Raymond Vinche meurent dans les camps.

Le groupe des anciens combattants

Les anciens combattants de la Première Guerre mondiale sont aussi les premiers à organiser la récupération des armes abandonnées en mai-juin 1940. L’impulsion est donnée par les capitaines de réserve Marcel Fourrier, président des anciens combattants de Noyon, et Louis Brunet, eux-mêmes en contact avec André Dumontois. L’action des anciens combattants de la Grande Guerre est déterminante dans le Noyonnais d’une part en raison de leur connaissance des armes et des techniques de combat (le maquis des Usages était au commencement une « école de sabotage »), et, d’autre part, en raison du formidable réseau de connaissances que forme alors cette organisation patriotique. Ce groupe, rallié à l’OCM, est le principal organisateur de la Résistance à Noyon à partir de 1941 avec, comme relais locaux, Marcel Poulin, maire et président des anciens combattants de Crisolles, et Pierre Pichot, capitaine de réserve à Caisnes. Ce mouvement, en relation avec Chauny, Compiègne et Paris, forme les Comités locaux de libération en septembre 1944.

2. Les formes d’enrôlement
La Résistance dans le Noyonnais prend corps au début de l’année 1941 à partir d’expériences individuelles qui s’étendent de proche en proche dans les différents milieux, avec comme caractère commun la confiance mutuelle et la confidentialité.

Les cercles familiaux
La cellule familiale est souvent le moyen simple et rapide d’étendre un réseau. L’influence d’un parent résistant sur ses enfants est un trait dominant. Ainsi, dès l’âge de 12 ans, René Dumontois suit son père André dans la récupération d’armes et de munitions. Il en est de même pour Max et André Brézillon, dont l’entreprise de travaux publics sert de couverture à leurs actes de Résistance. L’investissement de toute une famille, mue par un même sentiment, est déterminant. La famille de Marcel Fourrier en est l’exemple le plus démonstratif : Henriette, la mère, et Odette, la fille, font du renseignement. Daniel, le fils, entre dans la lutte armée. Gilbert Bleuse, beau-frère de Marcel Fourrier, et ses fils (Camille et Etienne) sont aussi actifs sur le terrain.
Le prise de risque est alors maximale, puisque l’arrestation d’un membre de la famille peut entraîner celle des autres (René Dumontois et Odette Fourrier sont ainsi incarcérés à Amiens). Il advient aussi que deux membres d’une même cellule familiale fassent de la Résistance sans que l’autre ne le sache, comme c'est le cas dans la famille Roos où le père, docteur de profession, falsifie des documents tandis que son fils, travaillant dans une ferme, fait du renseignement avant de rejoindre le maquis des Usages.

Le cercle des voisins
Le voisinage proche amène à la connaissance de familles fiables. C’est ainsi que les familles Fourrier et Dumontois entrent si facilement en contact.

Le cercle professionnel
Travailler dans une même entreprise favorise aussi l’organisation de groupes. Les résistants de la SNCF forment ainsi l’un des groupes les plus puissants où s’illustrent M. Dromas à Tergnier, Robert Dannequin à Ribécourt, mais aussi le futur traître Adrien Souris. On peut noter aussi la forte implication des cultivateurs, hébergeant les réfugiés de toute origine, tels l’industriel sucrier Marcel Poulin et ses chefs de culture Marcel Janssen et Naudin, ou le fermier de Bellefontaine. Au lendemain du débarquement en Normandie, près de deux cents hommes se présentent au maquis des Usages dans l’intention de commencer la lutte armée, témoignant ainsi de la vitalité de la Résistance dans le Noyonnais. Renvoyés dans leurs foyers, ces hommes poursuivent les actions ponctuelles au sein de leur groupe respectif. On a pu dire que tout le monde, à Noyon, connaissait ces résistants. Beaucoup de Noyonnais se sont tus, mais ceux qui ont parlé ont fait un tort considérable à la Résistance, comme le fera Adrien Souris en dénonçant de nombreux acteurs, sans doute pour de l’argent, en juillet 1944. L’entrée en clandestinité des chefs de l’OCM en 1942 et 1943 leur permet de poursuivre leur action jusqu’aux élections municipales de 1945.

Sources :
Archives de la société historique, archéologique et scientifique de Noyon.
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