Les grèves sous l'occupation

Les grèves sous l’Occupation dans l’Oise
par Françoise Rosenzweig

Jusqu’au 10 juillet 1940, vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le droit de grève est reconnu, depuis 1864, et les associations ouvrières autorisées depuis la loi Waldeck-Rousseau de 1884. Ces armes de la classe ouvrière disparaissent avec la Révolution nationale proclamée par le gouvernement de Vichy. Le 12 octobre 1940, le maréchal Pétain annonce que les grèves et les lock-out sont interdits. Le 9 novembre 1940, les associations nationales de travailleurs sont dissoutes : des syndicats locaux restent autorisés, sauf chez les fonctionnaires. Il s’agit, pour le nouveau régime, d’extirper jusqu’à l’idée même de la lutte des classes.
Malgré un climat répressif, des manifestations de combativité ouvrière se produisent dès 1940. Chez les ouvriers agricoles d’abord. Le 7 octobre 1940, les ouvriers betteraviers travaillant à la ferme Delacour à Serans réclament une augmentation de salaire, ils reprennent le 9.
Le 16 décembre 1940, une grève touche l’entreprise Dehé (de Paris) qui effectue des travaux dans la région de Chantilly. Le 18 janvier 1941, un mouvement de grève échoue à Orry-la-Ville sur un chantier de voies de chemin de fer. Le 9 avril, une autre grève est déclenchée sur les chantiers de l’entreprise Deschiron (déblaiement) à Beauvais. Les ouvriers réclament une augmentation de salaires. Quatre « meneurs » sont poursuivis. Un mouvement de grève affecte aussi la râperie de Nogron à Reez-Fosses-Martin. La grève dure une heure, elle touche huit ouvriers sur quarante-cinq, la prime pour les diffuseurs est jugée trop faible.
Les grèves de l’Occupation sont motivées soit par des revendications économiques (salaires, ravitaillement, habillement), soit par des réactions patriotiques ou même carrément politiques.
Le 26 novembre 1942, une grève éclate à la brosserie Chevalier à Béthisy-Saint-Pierre. Les ouvrières réclament une augmentation de salaires. La direction accorde une hausse de 25%.
C’est en 1943 et 1944, que les grèves économiques se multiplient, comme le 23 juin 1943 sur un chantier de la SNCF (entreprise Wandevalle) ou à la sucrerie de Berneuil (mi-novembre 1943). En décembre 1943, les 1000 ouvriers de l’entreprise Desnoyers à Laigneville se mettent en grève pour réclamer une hausse de salaire de 10 %. Des menaces de grève agitent le personnel des Acieries du Nord et de l’Est, Cima-Wallut, Brissonneau et Lotz, Saxby, les établissements Parvillé à Cramoisy, les fonderies Montupet à Nogent. Tout le Bassin creillois est touché par un mouvement de revendications qui porte à la fois sur les salaires et le ravitaillement dans une période de disette totale de matières grasses. En janvier 1944, une grève se produit à la Société industrielle de Creil et aux Tanneries de Verberie. Seul le spectre d’une intervention des forces d’Occupation met fin à l’agitation sociale.
Les grèves patriotiques ou nettement politiques ne sont vraiment engagées qu’à partir de novembre 1943, bien que, en novembre 1942, les établissements Desnoyers aient été touchés par un arrêt de travail dont on ne connaît pas l’origine. Le 11 novembre 1943, les ouvriers cessent le travail pour une durée variable ( de 15 mn à une journée) dans une dizaine d’entreprises à Lacroix-Saint-Ouen, Creil (Saxby), Montataire (Brissonneau et Lotz, Marinoni), Nogent (Montupet, dépôt SNCF) et Senlis ( établissements Law) .
Le 14 avril 1944, une grève éclate aux Ateliers du Moulin Neuf à Chambly à la suite de l’arrestation de deux responsables syndicaux. Le 25 juillet 1944, la manufacture d’allumettes de Saintines est paralysée par un arrêt de travail qui se poursuit jusqu’au 28 : le Comité départemental de libération nationale avait lancé un appel à la grève générale.
L’agitation sociale ne cesse pas avec la Libération. Elle reprend en 1945 et 1946 mais pour des raisons purement économiques cette fois.


Sources :
SHGN, 1939-1945, 60 E, 60 E 210- 60 E 91- 60 E 207- 60 E 357- 60 E 209- 60 E 94- 60 E 173, 174- 60 E 219- 60 E 180, 015 312, rapports de la Gendarmerie nationale, département Oise - AD Oise, 33 W 8 248 - AD Oise, 33 W 8 251 - AD Oise, 72 W 56 - AD Oise, 89 W 10 913.

Lien :
  • Le 1er mai
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