Un procès au Palais-Bourbon (mars 1942)par Jean-Pierre Besse
Du 4 au 6 mars 1942, un procès se déroule dans l’enceinte du Palais-Bourbon à Paris. Le tribunal militaire allemand du Gross-Paris juge sept jeunes communistes membres des Bataillons de la jeunesse : Fernand Zalnikov, Robert Peltier, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Pierre Milan, Roger Hanlet et Acher Semahya.
Les chefs d’accusation, retenus pour le procès, visent des sabotages et des attentats commis entre août et octobre 1941 à Paris et dans la région parisienne, dix-sept selon le Pariser-Zeitung. Parmi ces actions, quatre ont été commises dans le Sud du département de l’Oise.
La brigade de gendarmerie de Chantilly écrit dans son rapport du 12 août 1941 :
« Le 11 août 1941 à 10 h 30, Müller, chef de district SNCF de Chantilly, a constaté une tentative de sabotage par explosion sur la voie descendante de Paris. Au kilomètre 35 401, à 300 mètres de la gare d’Orry-la-Ville, il a découvert une excavation sous une traverse du rail extérieur (0 m 15 de profondeur ; 0 m 40 de diamètre). Il a été découvert, sur place, huit mètres de cordeau bickford, noir et consumé, partant du haut du talus et aboutissant à la voie, ainsi que des débris de ficelle de mauvaise qualité en partie brûlée. La voie est en remblai de trois mètres de hauteur, elle est longée par un sentier traversé par un second cordeau blanc de un mètre de longueur, de même marque non brûlé. L’explosion n’a pas été entendue et n’a fait aucun dégât autre que de chasser une petite quantité de ballaste du côté où la mine avait été introduite. La projection de cailloux n’a pas excédé cinq mètres. La tentative a dû être commise entre 10 h le 10 août et le 11 août 10 h 30. Des travaux sont actuellement effectués pour la pose d’une troisième voie par l’entreprise Dehé et Cie de Paris.
Les premières recherches ont permis de découvrir, en bas du talus haut de trois mètres de terres rapportées, deux empreintes de pied (pointure 39) et des débris de papier gris bleu ayant contenu de la poudre. Il semble que la tentative a été commise par un individu inexpérimenté ou ne possédant pas les matières nécessaires. »
Lors du procès cet acte est imputé à Bloncourt et Rizo.
Le lendemain, nouveau rapport de la brigade de Chantilly. Dans la nuit du 12 au 13, il y a eu vol avec effraction dans une cabane de l’entreprise Déhé au lieu dit « La borne blanche » à Orry-la-Ville. Il a été volé une clé à tire-fond et une clé à boulons pour éclisses, outils habituellement employés à la pose ou à l’enlèvement des rails. Cette action est attribuée à Bloncourt, Hanlet, Rizo et Peltier. La gendarmerie avait demandé des renseignements sur les ouvriers du chantier. Figurait René Peltier de Gonesse.
Le 20 août 1941, un train de troupes allemand déraille entre les gares de la Chapelle en Serval et Orry-la-Ville, les éclisses ont été déboulonnées et des rails sont disjoints. Bloncourt et Rizo sont accusés de ce sabotage. Selon le rapport de gendarmerie, l’événement se déroule à 4 h 06 au point kilométrique 32 610 à deux kilomètres au sud de la gare d’Orry-la-Ville. Vingt-six wagons quittent la voie.
Enfin, le 13 octobre 1941, des explosifs (25 kilogrammes de tolite et 25 kilogrammes de gomme A) sont volés à Saint-Maximin à l’entreprise Vandewalle. C’est Zalnikov qui est accusé du vol.
Selon le rapport de la brigade de gendarmerie de Creil, l’action a été réalisée par quatre individus. Le dépôt d’explosifs était situé dans les carrières Fèvre à Saint-Maximin. Le rapport ajoute : « Un communiste notoire de Saint-Maximin, ouvrier de carrière, sera entendu sur les visites qu’il reçoit d’un individu originaire de Saint-Denis."
Condamnés à mort, les sept jeunes sont fusillés au Mont Valérien le 9 mars 1942.
Sources : SHGN, 1939-1945, 60 E, 60 E 210- 60 E 91- 60 E 207- 60 E 357- 60 E 209- 60 E 94- 60 E 173, 174- 60 E 219- 60 E 180, 015 312, rapports de la Gendarmerie nationale, département Oise - AN, F 7 14 880 - Alary Eric, Un procès sous l'Occupation au Palais-Bourbon, Paris, Assemblée nationale, 2000, 158p .