Marché du travail

Le marché du travail
par Françoise Rosenzweig-Leclère
Sauf dans la période qui précède et qui suit le débarquement, à partir de mars 1944 (période qui voit se gripper progressivement toute activité productrice en raison de la paralysie des moyens de communication), le chômage est quasiment inexistant dans l’Oise. Le leitmotiv qui court les rapports officiels, c’est « la pénurie de personnel ».
A l’automne 1940, alors que la France dans son ensemble compte un million de chômeurs, la préfecture de l’Oise recense un millier de chômeurs officiels et pas plus de 3000 chômeurs réels. En novembre, ces chiffres tombent à 642. La modicité du chômage dans l’Oise à cette époque s’explique par l’absence de 14 800 prisonniers de guerre (dont 800 agriculteurs) et l’ouverture de chantiers allemands importants (la construction de la base aérienne de Creil a démarré en juillet 1940 et des travaux considérables sont entrepris sur l’aérodrome de Beauvais). Par ailleurs, les chantiers de déblaiement des destructions subies par les villes de l’Oise exigent une main-d’œuvre nombreuse.
Jusqu’à l’été 1942, les agriculteurs ne cessent de se lamenter sur la pénurie de personnel qui les touche, d’autant que la main-d’œuvre agricole, attirée par les salaires versés par les autorités d’Occupation ou les entreprises qu’elles contrôlent, tend à s’échapper. Ce phénomène s’inverse à partir de l’été 1942 lorsque la campagne apparaît comme un refuge face aux menaces allemandes de réquisition de la main-d’œuvre.
Les entreprises industrielles, elles aussi, connaissent une pénurie de main-d’œuvre. Sur les chantiers contrôlés par les autorités d’Occupation, les salaires versés (accompagnés d’avantages divers) sont deux à trois fois plus élevés que les rémunérations proposées par les entreprises françaises. Ils exercent un pouvoir d’attraction indéniable sur la main-d’œuvre française au détriment des entreprises autochtones.
A partir de l’été 1942, les données du marché du travail dans l’Oise sont profondément modifiées. La main-d’œuvre qualifiée, spécialisée, surtout dans le travail des métaux ou la production chimique, est requise pour être transférée en Allemagne. En février 1943, ce sont tous les jeunes hommes, de 20 à 22 ans qui, qualifiés ou non, sont potentiellement requis aux mêmes fins, dans le cadre du STO ; les entreprises de l’Oise perdent ainsi de 20 à 50% de leurs effectifs. On remédie à la pénurie de personnel par le système des "mutations" pour boucher les trous les plus criants, surtout au bénéfice des entreprises Speer-betriebe.
Après la Libération, tandis que l’agriculture se tourne vers la mécanisation, faute d’ouvriers agricoles que ni les salaires, ni leurs conditions de vie, ne retiennent à la terre, les besoins de la reconstruction, puis l’expansion économique des Trente Glorieuses éloignent le retour d’un chômage de masse dans l’industrie.

Illustration:
Bulletin de la SAO, 29 novembre 1941, Archives départementales Oise, DR
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