Les évasions

Les évasions d'internés
par Jean-Yves Bonnard

Au cours de leur détention au Camp de Royallieu, plusieurs déportés parviennent à s'évader impliquant un renforcement des mesures de surveillance par les Allemands. Si les évadés repris sont passibles d'une mise au secret pendant plusieurs jours, le plus grand risque est d'être mitraillés ou attaqués par le chien de Jäger pendant leur tentative d'évasion. Bravant les consignes et s'armant de courage, des internés sont parvenus à retrouver le chemin de la liberté par de multiples moyens.
Par des tunnels
Durant les quatre années d'existence du camp, des internés creuseront des tunnels depuis leur baraquement jusqu'à l'extérieur du camp pour recouvrir leur liberté. Réalisés avec les moyens du bord, dans la plus grande discrétion, ces tunnels seront pourtant, pour certains, découverts par les Allemands souvent à la suite de trahison de codétenus.
Le 22 juin 1942, dix-neuf internés communistes parviennent à s'enfuir après le creusement d'un tunnel de 48m à partir du bâtiment E2. Il s'agit de Robert Cagné, Georges Cogniot, Jules Crapier, Charles Désirat, Robert Gaborit, Henri Kestemant, Lambotte, Le Guen, Henri Le Gall, Maurice Lecointe, Maurice Léonard, Marcel Marty, René Renard, Edmond Savenard, Louis Thorez, Camille Thouvenin,  André Tollet et deux inconnus. Cette "grande évasion" du camp est la plus importante en nombre d'évadés. Repris, Louis Thorez (frère de Maurice) et Henri Le Gall seront fusillés.
D'autres échoueront durant leur tentative, comme celle du 6 février 1943, celle par le tunnel de la chapelle ou celle par le bâtiment A1.


Par des exploits individuels
Certains détenus parviennent à quitter le camp en profitant d'opportunités de "faire le mur" sans être vus des gardes allemands, l'un en s'accrochant à l'arrière d'un véhicule de ravitaillement, un autre, un gymnaste, en sautant à la perche avec une planche au dessus des fils de fer barbelés, un autre encore en se cachant à l'arrière d'un camion...
            L'entrée du tunnel du bâtiment A1, d'après André Poirmeur.

                    La sortie du tunnel de l'évasion du 22 juin 1942
                         retrouvée lors des travaux du Mémorial.
Lors de corvées hors du camp
Si la majorité des détenus sont astreints à rester dans le camp, nombre d'entre-eux sont désignés pour faire des corvées hors du camp. Certains profitent d'un défaut de surveillance pour s'évader. Ce sera le cas lors de corvées de bois en forêt en courant entre les arbres pour échapper au tir du gardien, ou lors de travaux de déblaiement en gare de Compiègne, notamment le 2 novembre 1942.
Ainsi, en août 1944, à la suite des bombardements des voies ferrées de la gare de Compiègne, des déportés envoyés sur place pour dégager les décombres parviennent à s'enfuir tandis qu'un nouveau raid allié poursuit le travail de destruction.

Lors d'un  séjour à l'hôpital
Plusieurs détenus de passage à l'hôpital pour être soignés profitent de leur séjour pour se faire la belle. Ce sera le cas de Ben Arrerre Amira Mamoud dans la nuit du 29 au 30 mars 1943 ou de  Francis Arthur Turbil et de Pierre Vidart le 2 juillet 1943.

Coll. Mémorial de l'internement et de la déportation - camp de Royallieu.

Lors de transferts de convois de déportés vers la gare
De nombreuses tentatives d'évasion ont lieu durant le transfert des convois parcourant à pieds la ville, du camp jusqu'à la gare. Les carrefours et le pont sont le plus souvent les lieux de tentatives, les uns cherchant à se perdre dans les rues, les autres à sauter dans l'Oise.
Le 26 juin 1943, à la faveur d'un moment de confusion dans la rue où des habitants s'étaient regroupés pour recueillir des lettres, des internés parviennent à quitter les rangs et à trouver refuge dans des maisons et des commerces voisins.
Le 28 octobre 1943, trente internés sur les 935 du convoi, font une tentative d'évasion mais tous auraient été abattus par leurs gardes.

Lors de transports de déportés vers les camps allemands
Malgré les menaces proférées par les Allemands lors du regroupement des détenus en gare de Compiègne, la quasi-totalité des transports par wagons à bestiaux à destination des camps allemands font l'objet de tentatives d'évasion. Des outils cachés dans les vêtements et ayant échappé à la fouille au corps permettent à plusieurs hommes de s'enfuir par le plancher de bois. Nombre d'entre-eux seront tués durant leurs tentatives et des mesures de représailles seront prises contre les autres détenus soit en passant par les armes des internés pris au hasard dans le wagon concerné, soit en regroupant tous les hommes du wagon dans un autre, doublant ainsi l'effectif.
Sources :
Cogniot Georges, L'évasion, récits, Ed. Raisons d'Etre, 1947.
Poirmeur André, Compiègne 1939-1945, Telliez, 1968.
Share by: