DEROBERT Fernand
Maire de Mouy
Résistant OCM et Libé-Nord
Déporté n°57 849
par Jean-Pierre Besse et Jean-Yves Bonnnard
Fils d’un maître d’hôtel, Fernand Derobert est né le 17 septembre 1897 à Estrées-Saint-Denis (Oise). Marchand forain, il adhère à la SFIO en 1920 et milite d’abord dans la section d’Estrées-Saint-Denis (Oise). Il vient s’installer par la suite à Mouy (Oise) et devient secrétaire adjoint de la section locale SFIO en 1936 et secrétaire du comité de Front populaire.
Entré au conseiller municipal en décembre 1936 lors d’une élection partielle, Fernand Derobert est élu premier adjoint en janvier 1937.
Le conseil est dissous et une délégation spéciale mise en place en mai 1940. Il en est le président jusqu’en mars 1941. Fernand Derobert est alors nommé maire par le gouvernement de Vichy.
Fernand Derobert participe à la Résistance au sein de l’Organisation civile et militaire (OCM) et est arrêté le 3 septembre 1942. Interné à Beauvais (Oise) pendant 60 jours puis à Royallieu près de Compiègne (25 octobre 1942-23 janvier 1943), il est déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen puis à Buchenwald d’où il s’évade le 27 avril 1945.
Revenu à Mouy (Oise), Fernand Derobert est accueilli par le Dr Avinin et les représentants de Libé-Nord. Il est élu membre de la commission administrative fédérale de la SFIO en 1945 et réélu en janvier 1947. Son nom ne figure pas parmi les conseillers municipaux rétablis à la Libération et depuis avril 1945 le poste de maire est détenu par Lucien Leblond, maire SFIO de 1937 à 1940, qui a rejoint le Parti communiste dans la Résistance. Fernand Derobert, à la tête d’une liste de large union bat la liste communiste en 1947 et retrouve alors le poste de maire. Il est réélu en 1953 à la tête d’une liste d’union et d’intérêt municipaux arrivant cependant en dernière position avec seulement 125 voix d’avance sur Lucien Leblond qui emmenait la liste communiste. Fernand Derobert ne se représente pas en 1959. Il est élu en janvier 1967, président de la section locale des Vieux de France.
Marié le 6 août 1949 à Mouy (Oise) avec Adeline Lucet, Fernand Derobert décède dans cette commune le 5 octobre 1976. Par décision du 21 décembre 2011, le conseil municipal de Mouy donne son nom à la rue menant à la nouvelle gendarmerie.
Sources
Le Libérateur du 7 juin 1945.
DEGROOTE Jules Maire de Troissereux
Massacré
par Jean-Yves Bonnard
Né le 14 mars 1886 à Cassel (Nord), fils d’Henri François Degroote et de Mathilde Thérèse Parcin, Jules Emile Gaston Degroote exerçait la profession de cultivateur. Il fut fusillé le 16 août 1944 à Troissereux.
Un maire nommé par Vichy
Domicilié avec ses parents à Rotangy (Oise) en 1907, soldat au 6e Bataillon d’Artillerie à Pied durant son service armé (1907 à 1909), Jules Degroote est noté fermier de la ferme Saint-Maurice de Troissereux au retour de son service militaire. Il est mobilisé par décret du 1er août 1914 au 6e Régiment d’Artillerie à Pied. Le 11 mars 1916, il passe au 11e Régiment d’Artillerie à Pied et est évacué le 17 octobre suivant vers l’Ambulance 9/17 à la suite d’une blessure au bras gauche. Il rejoint sa batterie le 29 novembre 1916 et est décoré de la Croix de Guerre le 2 juin 1917 avec une citation à l’ordre de l’artillerie lourde du 17e Corps d’Armées : « Très bon canonnier qui donne en toutes circonstances l’exemple du mépris du danger. Le 12 mai 1917, la batterie étant violemment bombardée, s’est porté spontanément au secours de ses camarades enterrés dans un abri ».
Passé, le 1er janvier 1918, au 289e Régiment d’Artillerie Lourde, il est affecté le 1er septembre suivant au groupe A du 389e Régiment d’Artillerie Lourde. Il est nommé premier canonnier servant de la 3e Batterie le 4 octobre 1918 puis maître pointeur le 1er novembre 1918. Le 1er avril 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et rejoignit ses foyers. Il épouse Berthe Léontine Octavie Altète, née en 1885, de qui il a une fille Suzanne en 1925.
Le 23 mai 1942, il est nommé maire de Troissereux par le régime de Vichy, succédant ainsi à Théophile Groux décédé le 31 janvier précédent.
Jules Degroote est la première victime du massacre de Troissereux.
Le massacre de Troissereux
Dans son édition du 6 septembre 1944, le journal L'Oise Libérée rapporta l'élément déclencheur de la tragédie du 16 août 1944 : « C'est vers 2h30 qu'une attaque fut menée, aux dires des tortionnaires, contre les sentinelles gardant le château Saint-Maurice. Un sous-officier avait été, paraît-il, légèrement blessé à la main par un coup de feu et, par ailleurs, une patrouille avait essuyé des coups de feu tirés de la ferme de M. Degroote, maire ».
Bien qu'impossibles à vérifier, ces faits furent suivis d'un enchaînement tragique. Vers 3 heures du matin, les soldats allemands, qui occupaient le château, pris de boisson pour certains, et craignant une attaque « terroriste », se rendirent à la ferme et enfoncèrent la porte. Ils abattirent le chien puis tuèrent Jules Degroote. Son épouse Berthe (59 ans) et leur fille Suzanne (19 ans), descendues de leur chambre en chemise de nuit, furent abattues peu après. Puis vint le tour de l'ouvrier agricole René Savary (40 ans) et d'Alfred Lenoble (19 ans), pupille de l'assistance, tous deux accourus à l'appel de Mme Degroote.
Entre 5 et 6 heures du matin, les Allemands cernèrent le village. Trois hommes se rendant à leur travail furent arrêtés, brutalisés et tués d'une rafale de mitraillette. Il s'agit du charcutier Adrien Sonnet (63 ans), de Marcel Pointud (22 ans) et de Gustave Hénaux (53 ans). Puis, tous les habitants de la commune, hommes, femmes et enfants, furent sortis de leur domicile et réunis dans la cour du château. Il était 7 heures du matin. Les hommes furent ensuite rassemblés dans la cour de la ferme Degroote. Les identités furent relevées. Tous les âges, toutes les professions étaient représentées : les ouvriers, les commerçants, l'instituteur, le curé... mais aussi des réfractaires au STO.
Un seul Français était libre et observait en fumant une cigarette : Julien Delos.
Vers 10 heures, les hommes furent séparés en deux groupes : d'un côté, les hommes de plus de 55 ans et les cultivateurs ; les autres furent alignés le long d'un mur, poings liés derrière le dos. Des fusils mitrailleurs furent mis en position devant eux. Vers midi, cinq hommes furent désignés pour charger dans un camion les corps des trois habitants abattus dans les rues et les victimes de la ferme Degroote. L'un d'entre eux, Marcel Lenglet, dont les liens étaient mal serrés, parvint à se détacher et à fuir. Peut-être en guise d'exemple, vers 13 heures 30, les Allemands abattirent les quatre hommes dans la cour de la ferme. Il s'agit de Pierre Hébert (20 ans), de Robert Degrootte (22 ans), de Gabriel Douchet (35 ans) et du débitant Charles Régnier. Les deux camions sortirent de la cour emportant les victimes et les otages.
Vers 14 heures, le docteur Joseph Hébert (63 ans), resté sur place, s'éleva contre l'assassinat de son fils. Il fut exécuté à son tour. Son corps, jeté dans la grange qui fut incendiée, ne fut identifié que le 1er septembre grâce aux boutons de sa veste de chasse et ses leggins.
Les Allemands emportèrent les chevaux et les vaches puis brûlèrent les bâtiments de la ferme et la récolte de l'année (blé, orge, avoine). Selon une version des faits, averti de la situation, le Feldkommandant de Beauvais vint sur place et parvint à raisonner les soldats présents. 75 hommes de Troissereux considérés comme otages furent conduits à la caserne Watrin de Beauvais. Seize d'entre eux furent remis en liberté dès le lendemain. Les autres (dont Maurice Mantelet et Maurice Groux), employés à boucher les trous des bombes sur les pistes de l'aéroport, ne furent libérés que le 19 août, sauvés d'une déportation probable par l'avancée des Alliés. Toujours le 16 août, au hameau de Houssoy-le-Farcy, les Allemands abattirent quatre prisonniers polonais évadés : Stanislas Racoczy, Ladislaw Stefanowskiw, Ladislaw Sulochaw et Jean Terebeniec. Leurs corps furent transportés à la caserne Agel et enterrés sur place.
Dernier acte : le 18 août. Ce jour-là, vers 18 heures, des soldats allemands se baignaient nus près de la scierie du moulin de Troissereux. Le gérant, le menuisier Louis Astruc, leur adressa une remarque sur leur manque de tenue devant des enfants. Il fut abattu d'une balle dans la tête. Un ouvrier, Anicet de Saint-Riquier, venu s'informer sur la reprise du travail, fut tué d'une balle dans la nuque.
De la justice à la mémoire
Début septembre, sur les déclarations d'un détenu de la prison Agel qui avait remarqué des allées et venues anormales dans un coin de la caserne, des recherches furent menées. Les fouilles réalisées là où la terre avait été fraîchement remuée permirent de mettre au jour les corps dénudés des treize massacrés de Troissereux avec, près d'eux, des paquets de vêtements et de chaussures. D'autres cadavres inconnus furent exhumés de cette fosse. Ramenés à Troissereux le 3 septembre, les treize habitants massacrés furent inhumés deux jours plus tard. Traduit en justice, Julien Delos fut condamné à mort le 2 décembre 1944 et exécuté le 27 décembre suivant. A la demande de la population, il fut fusillé dans la cour de la ferme Degroote.
L'affaire ne s'arrêta pas là. Le témoignage de la population permit d’identifier deux unités d'instruction de l'infanterie d'aviation dépendant de la Luftwaffe et revenant du front Normandie. Le numéro L62011-F désigne Stab II Luftgau-Feld-Regiment Belgien/Nordfrankreich (mot.) 22 dont la mission concernait les activités administratives d'une zone aérienne (la défense aérienne, les transmissions, le recrutement et le personnel de réserve). Dans ses rangs, un sous-officier dénommé Whilhem Schmitz fut identifié comme l'assassin du maire de Troissereux et du docteur Hébert.
Les deux interprètes furent aussi identifiés : le caporal Berron (ancien professeur d'allemand en France avant-guerre) et Théodore Vogth (d'origine alsacienne) qui avait trié les hommes de Troissereux.
Marquée par ces événements, la commune de Troissereux décida de renommer la rue principale « rue du 16 août » et de rendre hommage à ses 19 martyrs, victimes civiles mortes sous les balles des nazis, dans des lieux de souvenirs. Une plaque commémorative fut apposée dans l'église de Troissereux, une autre sur la chapelle du hameau de Houssoy-le-Farcy, un monument aux 19 martyrs de Troissereux fut érigé sur la place tandis qu'une sculpture était scellée sur le mur de la ferme Degroote pour le cinquantenaire du massacre, le 16 août 1994.
La mention Mort pour la France fut attribuée à Jules Degroote le 9 novembre 1945. Son nom figure sur le monument commémoratif des 19 martyrs à Troissereux, sur la plaque commémorative des élus morts durant la Seconde Guerre mondiale dans l’Hôtel du département à Beauvais. Il est aussi mentionné dans la citation attribuant la Croix de Guerre 39/45 à la commune de Troissereux en 1948.
Sources :
Besse Jean-Pierre, Bonnard Jean-Yves, Rafles et massacres de l’été 44, CDDP de l’Oise, 2012.
Bonnard Jean-Yves, Les communes décorées de l’Oise Croix de Guerre 39/45, ONACVG de l’Oise, 2016.
Archives départementales de l’Oise, Rp952.
Monument des 19 martyrs à Troissereux
Plaque de l’Hôtel du département de l’Oise, à Beauvais.
PETIT Georges Maire d'Andeville
Massacré
par Jean-Yves Bonnard
Fils d’Honorat Petit et d’Aurélie Louise Hotin, il est né le 3 mai 1889 à Andeville (Oise). Il est noté ouvrier boutonnier en 1909. Il fait son service militaire au 67e RI du 8 octobre 1910 au 25 septembre 1912 où il est nommé musicien le 18 août 1911.
Mobilisé durant la Première Guerre mondiale, il arrive au corps le 3 août 1914. Il est noté évacué pour maladie sur l’hôpital de Verdun (Meuse) le 26 mars 1915, rentré au dépôt le 16 juin suivant, et parti en renfort le 29 octobre. Le 26 juin 1916, il est évacué pour intoxication et sort de l’hôpital le 21 juillet suivant pour repartir aux Armées le 26.
Démobilisé avec le 6e échelon le 25 juillet 1919, il est dégagé de toute obligation militaire le 15 octobre 1938. Il est décoré de la médaillé militaire (JO du 23 juin 1932) et de la Croix de guerre 1914-1918 ornée de l’étoile de bronze, avec les citations suivantes : le 22 octobre 1916, « D’un grand courage, a accompli son devoir avec beaucoup de dévouement pendant les journées du 10 au 15 octobre 1916 sous n violent bombardement » ; le 27 avril 1918, « Volontaire dans toutes les occasions, a ait preuve de grandes qualités comme agent de liaison et comme brancardier du 28 mars au 6 avril 1918 » ; le 1er août 1918, « A fait preuve de beaucoup de courage et de dévouement pour assurer la relève des blessés sous les violents bombardements des journées des 25 et 26 juillet 1918.
Marié et père d’une enfant, devenu directeur d’usine (1939), il est nommé maire d’Andeville en 1940. Il est noté avoir apporté une aide précieuse à tous les réfractaires au STO.
Le 27 août 1944, les Allemands se rendent à son domicile, puis le conduisent chez M. Oranger qu’ils abattent ainsi que deux aviateurs sud-africains réfugiés chez lui. Georges Petit est abattu par la suite devant leur cadavre.
Son corps, d’abord enterré à la hâte le jour du massacre par ordre des Allemands dans une fosse commune dans le cimetière d’Andeville, est exhumé pour être placé dans une tombe individuelle dans un carré du souvenir. Une cérémonie rendra hommage aux victimes du massacre le 3 septembre suivant. Son nom figure sur la plaque commémorative apposée sur le mur de l’église, sur celle apposée au n°48 rue Jean Jaurès (inaugurées le 22 avril 1945) et sur celle apposée dans le hall de l’hôtel du département à Beauvais.