Persécutions raciales

Les persécutions raciales dans l’Oise sous l’Occupation
par Françoise Rosenzweig-Leclère

Le recensement des juifs présents dans l’Oise en octobre 1940, rendu obligatoire à la fois par les autorités occupantes (ordonnance allemande du 27 septembre 1940) et le gouvernement de Vichy (statut des juifs du 3 octobre 1940), fait état de 271 juifs résidant dans le département. Le chiffre réel doit être un peu supérieur (tous les juifs ne se sont pas déclarés). Quoiqu'il en soit, la population juive dans l’Oise correspond à un pourcentage inférieur à 0,1% de la population totale du département. Le pourcentage national est un peu moins de 1% .
Ces israélites d'origines différentes sont arrivés en France à des époques diverses : quelques-uns, russes pour la plupart, avant la Première Guerre mondiale. D’autres, ont fui l’Empire ottoman ou la Turquie, vers 1920, et se sont installés à Compiègne, où ils constituent une petite communauté sépharade très structurée, mais repliée sur elle-même. Au début des années 1930, sont venus quelques Roumains devenus médecins. Les derniers arrivants sont des Autrichiens, en 1938, après l’Anschluss, et des Tchèques, à la suite de l’invasion de leur pays par les nazis. Cette dernière vague est faite d’individus assez isolés.
La plupart des juifs de l’Oise sont naturalisés. Beaucoup de ces hommes se sont engagés volontairement, au moment du déclenchement du conflit.
Le 4 octobre 1940, le gouvernement de Vichy autorise les préfets à interner les juifs étrangers : dans l’Oise, ils sont regroupés au camp de Plainval, près de Noyon, puis transférés dans les camps du Loiret, à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande.
Les premières mesures qui touchent les juifs sont à la fois d’origine allemande et d’origine française, mais leurs objectifs ne sont pas identiques.
Pour les autorités d’Occupation, il s’agit, à l’automne 1940, d’éliminer toute influence juive dans l’activité économique. Les entreprises juives du département sont recensées : 48 au total (une grosse exploitation agricole à Ivry-le-Temple, quatorze entreprises industrielles travaillant le bois et le cuir et trente-trois entreprises commerciales, presque toutes dans le textile et la confection). D’octobre 1940 au printemps 1941, les entreprises juives sont, pour la plupart, liquidées ou aryanisées. L’une d’elles pose de gros problèmes : les établissements Austin qui fabriquent du matériel agricole. Dès décembre 1940, toutes les entreprises juives sont placées sous la tutelle d’un commissaire gérant, devenu plus tard administrateur provisoire, investi du droit de céder le capital social et de liquider les actifs de l’affaire. Certains établissements sont confisqués par les autorités occupantes, comme la manufacture de chaussures Cléo, établie à Mouy.
S’agissant des juifs, l’objectif du gouvernement de Vichy est de les mettre à l’écart, de les séparer du corps social. Le statut des juifs, du 3 octobre 1940, comporte une longue liste d’interdictions professionnelles excluant les juifs des postes de responsabilité dans les services publics, et, leur barrant l’accès à des activités exerçant une influence sur l’opinion publique : l’enseignement, la presse, la radio, le cinéma sont désormais fermés aux israélites. Leur nombre est alors très limité dans les professions libérales. Max Ophuls, qui possède une propriété dans l’Oise, part aux Etats-Unis en novembre 1940. Des médecins juifs de l’Oise doivent cesser d’exercer à Beauvais, Précy-sur-Oise. Leurs cabinets sont repris par des confrères "aryens". Cherchant à exclure, à appauvrir, le gouvernement de Vichy attend benoîtement que la population juive s’évapore d’elle-même.
En 1941, les juifs de l’Oise doivent subir la spoliation de leurs biens. Jusqu’au 26 avril, ils ont pu disposer du produit de l’aryanisation de leur entreprise ou de la vente de leurs stocks et de leur matériel. Par une ordonnance allemande, leurs biens recensés en 1940 sont confisqués, leurs avoirs versés sur un compte de la Caisse des dépôts pour les juifs français, de la Treuhand pour les juifs étrangers. Ne leur sont laissés que des subsides indispensables à leur survie (1 000 francs par mois dans le cas du docteur Breiman à Crillon, pour l’entretien de cinq personnes). Chaque patrimoine juif est confié à un administrateur provisoire et, dès l’été 1941, le processus de mise en vente aux enchères est enclenché, sans grand succès semble-t-il, puisque ces ventes cessent à partir de juillet 1943.
L’élimination des personnes juives de l’Oise commence en juillet-août 1942. Mais, il faut rappeler que le premier convoi de juifs vers Auschwitz a quitté Royallieu, le 27 mars. Depuis le 29 mai 1942, tous les juifs de la zone occupée sont astreints au port de l’étoile jaune. L’arrestation des juifs de l’Oise suit une logique administrative.
De juillet à octobre 1942, les arrestations ont balayé la région de Senlis, dans le sillage de l’opération "Vent printanier" (Vel d’Hiv), touchant une trentaine de personnes. En mars 1943, une dizaine d’autres sont arrêtées à Creil (surtout des individus isolés). Enfin, le 4 janvier 1944, un vaste coup de filet se solde par des arrestations massives dans les secteurs de Compiègne, Crépy-en-Valois et Beauvais, n’épargnant ni les vieillards, ni les enfants. La plupart de ces israélites partent dans le convoi n°66 et sont gazés, le 20 janvier 1944.
Au total, l’extermination des juifs de l’Oise fait une centaine de victimes. Ce chiffre correspond à un taux de mortalité nettement supérieur au taux de mortalité national des juifs exterminés en France, sous l’Occupation. Dans l’Oise, le taux de mortalité des israélites est de 35% par rapport au recensement de 1940, de 65% par rapport au recensement de 1942. Certains juifs n’ont dû leur salut qu’à leur condition de prisonnier de guerre en Allemagne ou à leur démobilisation dans le sud de la France (ce qui leur a permis de rejoindre la Résistance, comme ce fut le cas d’un médecin de Liancourt). Les arrestations d’israélites n’ont donné lieu à aucune manifestation d’opposition publique, mais à des actes de solidarité individuels : un silence, une aide dans la fuite, le recueil des enfants, le comportement résolu d’un instituteur, ont pu sauver des vies. Il faut ajouter que des habitants de l’Oise ont caché des enfants juifs, venus de Paris pour la plupart, dans la région de Noyon, de Compiègne et à Espaubourg, Montataire et Verberie.

Liens:
•  L'internement des juifs à Royallieu

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