Office of Strategic Services (OSS)
par Jean-Pierre Besse
Dès juin 1941, Roosevelt décide de former une agence de renseignement et d'action. L'attaque japonaise précipite la naissance de l'OSS en juin 1942. Dirigée par William Donovan, le service comprend deux secteurs : le renseignement (Secret Intelligence) et l'action (Special Operations).
Au début, il faut improviser et former des agents. En décembre 1942, une mission s'installe en Corse. Des réseaux couvrent les côtes françaises et l'intérieur, recueillant des informations sur la Wehrmacht et son armement. Des parachutages ravitaillent maquis et saboteurs.
A partir du débarquement, l'OSS participe à l'envoi de missions alliées parachutées. Les équipes Jedburgh, qui encadrent les actions des FFI, comprennent en général un Américain de l'OSS.
Deux équipes de l'OSS sont intervenues dans l'Oise:
Sources :
AD Oise, 41 J, fonds Xavier Leprêtre, archives de l'OSS - GAUJAC Paul,
Les forces spéciales de la Libération, Histoire et Collections, 1999, 402p.
Le circuit Beggar
Il s'installe dans le département en mai 1944. C'est lui qui joue le rôle le plus important dans l'aide à la Résistance oisienne, c'est à elle que sont destinés les nombreux parachutages des trois derniers mois de l'Occupation.
Origine
Le circuit Minister Dietcian du SOE, dirigé par le capitaine Pierre Louis Mulsant, reçoit, le 11 avril 1944, sur un terrain situé à 10 km 500 au sud de Nangis (Seine-et-Marne) trois officiers américains :
Après un court séjour à Paris pour prendre des contacts, les trois hommes s'installent dans l'Oise au début de mai. "Adam" est l'opérateur radio, il travaille successivement à Autrêches, à Haudivillers (début juin), il habite alors à Lafraye, à Cinqueux et à Grandfresnoy.
"Hugo" a la responsabilité du Sud du département : la région de Creil, Chantilly et Senlis. "Ludovic", le responsable du groupe, s'occupe plus particulièrement de la région de Beauvais. Les trois hommes recrutent, à Paris ou dans le département, des adjoints qui leur servent d'agents de liaison avec la Résistance locale et avec les FFI, mais aussi plus tard avec les forces alliées.
Opérations
Ils reçoivent leur premier parachutage le 3 juin à Vic-sur-Aisne, les armes sont par la suite transportées à Lamorlaye et Creil. Le transport vers Beauvais, le 14 juin, se termine par un accrochage avec les Allemands, et des morts.
Les trois officiers organisent en juin, juillet et août de nombreux sabotages et reçoivent dans la région de Beauvais de nombreux parachutages, dont celui d'Haudivillers, le plus important des parachutages effectués dans l'Oise sous l'Occupation.
Les hommes du circuit Beggar entrent en contact à la fin du mois de juin avec le responsable départemental des FFI. Dans leurs rapports, ils signalent avoir rompu tous contacts avec les FTP au milieu du mois de juillet. Cependant, un certain nombre de résistants avec qui ils travaillent jusqu'à la Libération appartiennent à cette organisation.
Sources :
AD Oise, 41 J, fonds Xavier Leprêtre, archives de l'OSS.
"Nous sommes arrivés à notre point d'atterrissage, environ 7 miles au sud de Nangis et 25 miles de Paris, le 11 avril à 02h30 GMT (...)
"Hugo" me conduisit à la maison de deux très braves types de ses amis (...) Tous deux vivaient à Paris et gagnaient leur vie en exploitant un magasin d'antiquités (...) Mon dessin, en rencontrant ces gens, était d'obtenir toute sorte de contacts sérieux, à la fois à Beauvais et à Creil. On doit se souvenir à cet égard que, avant notre départ de Londres, on ne nous avait donné aucun contact dans la région où nous avions à accomplir notre mission (...) Je décidai de charger "Hugo" de couvrir un certain nombre des mes objectifs dans la région de Creil ; "Hugo" avait à organiser la région de Creil du circuit, et moi la zone Beauvais, Gisors, Pontoise (...)".
"Ludovic" condamne ici l'esprit d'indépendance dont fit preuve selon lui, "Hugo", pendant toute la mission, alors que en théorie, ce dernier devait lui être subordonné (note de Jean-Pierre Besse).
"Le 18 avril, je décidai d'aller à Beauvais (...) échec. D'un autre côté, "Adam" m'avait présenté deux de ses amis qui m'avaient fait bonne impression. C'étaient X et Y (...)" (les noms ont été occultés sur la photocopie envoyée par Washington, note de Jean-Pierre Besse).
"Je les recrutai tous les deux, et il fut décidé que X serait mon assistant et que Z servirait d'agent de liaison entre nous.
Le 24 avril, je quittai Paris, par le train, pour Beauvais. Malheureusement, le train s'arrêta à Chantilly et nous fûmes informés que Creil avait été bombardé et que le train n'irait pas plus loin (...) C'est à Clermont que je recrutai la première personne (...) Un homme que je recrutai aussi (...) me recommanda alors, à un de ses amis de Voisinlieu. J'avais donc trouvé un contact à Beauvais (...) Sa maison fut mon quartier général pendant tout mon séjour (...).
Aucun des chefs FFI n'accepta de me voir. Je ne reçus aucune aide d'eux. Je sais que ce n'était pas la règle générale et je considère que c'était un exemple du peu d'autorité du chef FFI, dans l'Oise. Plus tard, j'entrepris des négociations avec le chef des FTP qui accepta de me rencontrer. Malheureusement, il n'en sortit aucun accord, les FTP refusant de recevoir des instructions de nous. J'ai donc été obligé de bâtir ma propre organisation (...) En écoutant les conversations de Barbier et de ses visiteurs, je recrutai les personnes suivantes : A à Voisinlieu, B à Haudivillers, C et D à Beauvais (...) Mon intention était de trouver au moins deux refuges sûrs, dans la région d'Haudivillers, et une autre maison pour "René" (...) Un réfractaire me trouva une maison au sud de Beauvais qui devint ma maison jusqu'à mon départ de France (...).
Je dois dire que X fit là, un bon travail. Peu après son départ, il avait obtenu les résultats suivants : les deux terrains "Porcelaine" et "Faïence" étaient trouvés. Il y avait une maison sûre à Lafraye pour "Adam" et une autre à Montreuil (...) ; lui-même avait son propre refuge à Haudivillers. Trente hommes étaient prêts pour la réception à n'importe quel moment. Nous avions un dépôt dans la cour d'une ferme ; nous avions une petite camionnette pour nos transports.
Le 30 mai, "Adam" arriva à Haudivillers. Nous reçûmes de Londres un message indiquant que mes deux terrains avaient été refusés, mais on nous suggérait d'examiner les terrains situés respectivement à 5 kms au nord et à 5 km à l'est de "Faïence" et "Porcelaine (...).
Le 8 juin, nous entendîmes le message pour "Porcelaine" à la BBC. Nous avons passé la nuit sur le terrain, mais sans résultat. Le 9 juin, nous entendîmes le message pour "Faïence". Nous passâmes toute la nuit sur le terrain, de nouveau sans résultat.
René s'en alla le 13 juin et ne revint pas ; il avait été tué le 14 juin (...) La totalité du chargement d'armes et d'explosifs fut perdue.
Le 15 juin, nous avons reçu la première réception sur "Faïence" (...).
Les meilleurs résultats furent obtenus par X, à Bresles. Un train de marchandises, chargé de tanks légers ennemis, déraille sur la ligne Beauvais-Clermont, dans la nuit du 18 juin. Les charges avaient été placées près du petit village de La Rue-Saint-Pierre ; le trafic fut interrompu pendant trois jours (...).
Le 24 juin, message de réception sur "Faïence" (...).
Entre le 1er et le 5 juillet, au cours d'une réunion avec le chef des FTP de l'Oise, je découvris que ses intentions n'étaient pas en accord avec ma mission. Les FTP attendaient de nous, la fourniture d'armes et de munitions. En retour, ils nous aidaient à attaquer rails et téléphones, et aussi à se préparer à l'attaque des routes. Mais ils voulaient garder leur autonomie militaire absolue et ils n'étaient pas préparés à recevoir des ordres de moi. Aussi, je rompis avec eux, en informai "Hugo" et lui demandai de faire de même (...).
Vers la fin de juillet, j'avais réellement un bon circuit sous mon contrôle (environ 500 hommes) (...)".
Sources :
AD Oise, 41 J, fonds Xavier Leprêtre, archives de l'OSS.
Extraits du rapport de Raphaël L. Beugnon
alias "Hugo" ou "Jeannot"
"Le 10 mai, "Adam", qui était à Vic-sur-Aisne, m'informa de la possibilité de recevoir des parachutages dans la région. J'allais à Vic. Je trouvai quatre terrains et je demandai des Stens, des explosifs, deux eurekas et deux postes émetteurs et un équipement radio pour "Adam".
Du 10 au 28 mai, je poursuivis avec succès mon recrutement sur Lamorlaye, Chantilly, Creil, Senlis et Vic-sur-Aisne. Tous mes objectifs étaient atteints.
Le 3 juin, j'ai reçu six containers, un émetteur, un eureka et l'équipement pour "Adam".
Le 5 juin, je transportai le matériel de Vic et Nangis, à Lamorlaye.
Du 7 au 10 juin, réussite dans toutes mes entreprises :
Chemins de fer : ligne Creil-Beauvais, arrêt d'un train de matériel ; ligne Creil-Paris, toujours hors d'état grâce à l'aviation ; Creil-Beaumont, arrêt d'un train transportant des troupes et du matériel ; destruction de deux trains transportant des tanks qui furent obligés de retourner à Clermont. Toutes les lignes téléphoniques sont pratiquement hors d'état.
Du 10 juin au 30 août, nous passons la plus grande partie de notre temps à saboter les câbles souterrains. Nous avons réalisé quarante-deux actions de ce type.
14 juin, l'adjoint de "Ludovic" (lieutenant M. R. Bassett) est tué en transportant le reste de mon premier parachutage vers le secteur de Beauvais. Nous avons perdu tout le matériel.
19 juin, engagement avec une patrouille allemande, un mort et un blessé. Le blessé est enlevé par la police de l'hôpital de Senlis, qui l'envoie à la prison de Fresnes.
22 juin, contact avec le responsable des
FFI. Sabotage sur la ligne Creil-Compiègne, une locomotive est endommagée et déraille.
25 juin, j'ai maintenant sept équipes de huit à quinze hommes prêts à agir. Un de ces groupes détruit le central téléphonique de la gare de Creil.
Juillet, je conclus un arrangement avec les FFI auxquels la plus grande partie de mes hommes appartiennent. "Ludovic" et moi, décidons de rompre avec les FTP qui désiraient des armes, mais refusaient de travailler sous notre contrôle.
19 juillet, après avoir passé deux nuits pour rien, nous coupons seulement la voie Creil-Clermont. Engagement avec une patrouille allemande, deux Allemands sont présumés morts. Deux charges, placées à la gare de Creil, n'explosent pas.
28 juillet, engagement avec une patrouille allemande, deux hommes sont faits prisonniers. Ils sont interrogés et parlent. Les Allemands cherchent le village où sont cachés le reste des hommes. Nous nous déplaçons et comme la Gestapo ne peut nous trouver, elle prend cinquante otages (...)". (Il s'agit vraisemblablement de la rafle de Monceaux-Cinqueux, le 8 août, note de Jean-Pierre Besse).
"En temps qu' opérateur radio, j'étais en contact constant avec notre groupe et le quartier général...
Après avoir atterri, nous sommes restés deux jours dans la maison sûre du comité de réception et nous avons pris la direction de Paris, où je devais prendre des contacts...
Je me suis mis alors à chercher dans une autre direction, mais, environ au même moment, j'ai appris que X. (malheureusement les noms propres ont été occultés, note de JPB) vivait sous le nom de... à Lamorlaye (Oise). Je me suis précipité là, et l'y ai trouvé plutôt déprimé...
J'ai vu de nombreux hommes qui étaient plus ou moins intéressants, finalement j'ai choisi trois contacts qui, à mon avis, étaient les meilleurs. J'ai communiqué à "Ludovic", X à Hémécourt (il n'existe pas de commune de ce nom dans l'Oise, mais au nord de Beauvais il y a Hécourt et Omécourt, note de JPB), au nord de Beauvais, comme étant en contact avec une forte organisation secrète dans cette région. Je ne sais pas pourquoi, mais lorsque j'ai revu "Ludo", quelque temps plus tard, il m'a dit qu'il n'avait pas trouvé ce à quoi il s'attendait et que X avait des amis prêts à travailler pour nous mais qu'il n'était pas en contact avec une organisation secrète importante.
En ce qui me concerne, j'ai décidé de m'installer dans la région de Vic-sur-Aisne..."Ludovic" objecta que je serais loin de son quartier général près de Beauvais.. puis je fis venir mon matériel qui était à Paris...via Chantilly...
Nous ne pouvions pas le transporter comme bagage à main, car il pesait environ 68 kilogrammes. Tout s'est bien passé mais, à cause du bombardement de la gare de Creil, le wagon a été retenu pendant cinq jours à la gare de Creil. Enfin je l'ai récupéré à la gare de Vic-sur-Aisne.
J'ai commencé à travailler à Autrêches... J'ai dû changer de maison au bout d'un mois à cause de bavardages..
Le 1er juin, "Ludovic" demanda que j'aille dans sa région avec X (son assistant) à Haudivillers. Il m'a présenté à quelques personnes amicales qui avaient des amis qui acceptaient de me recevoir avec mon appareil...
Je suis resté à Lafraye avec X qui m'a beaucoup aidé, mais c'était un ivrogne et il était très curieux. J'ai prétendu être un étudiant en vacances, portais toujours de très vieux vêtements et n'allais jamais au café ou au cinéma. Ma sécurité était facile, mais la maison était plutôt sale et pas très agréable. (Il s'agit selon toute vraisemblance de Camille Claeys, ouvrier agricole, né en Belgique le 11 novembre 1888, tué le 31 août 1944 par les Allemands en déroute alors qu'il se précipite dans les rues du village pour accueillir, sur la route nationale proche, les troupes alliées. Un important stock d'armes et des fûts d'essence, dérobés par les FFI, étaient cachés dans une grange proche de la ferme où il travaille. Les Allemands, avant de partir, ayant découvert le tout, mettent le feu à la grange. Note de Jean-Pierre Besse).
Quelques jours après le débarquement, mon ami X est allé à Vic-sur-Aisne pour y chercher quelques armes, des explosifs et des radios reçus par "Hugo". Nous nous attendions à en recevoir dans notre région mais nous n'avions toujours rien reçu. Trois jours plus tard, nous apprîmes qu'il avait été tué...
J'ai pris sa place pour aider "Ludo" et suis allé faire sauter les rails de la ligne Beauvais-Saint-Omer-en-Chaussée avec succès, assisté par un homme qui appartenait à "Ludo" et deux hommes de Hémécourt...
J'ai continué le travail de radio mais deux hommes de "Ludo"avaient été arrêtés et un autre tué. Ces deux hommes étaient en contact avec l'homme chez qui j'habitais. Je me suis donc retiré rapidement dans le secteur de "Hugo"..."Hugo" m'avait donné le nom d'un contact à Cinqueux.. Mais les hommes de "Hugo" qui habitaient dans le village le plus proche, Monceaux, où j'avais des émissions, ont été arrêtés. Donc, avec l'aide de mon nouvel assistant X et d'un homme qui prit le risque de transporter mon matériel dans sa voiture, j'ai quitté cet endroit à temps pour éviter les Allemands qui prenaient de très sévères mesures dans ce village-là.
Ensuite j'ai travaillé à Grandfresnoy et ai habité dans cette ville, mais dans un autre quartier...".
Sources :
Témoignages recueillis à Lafraye - AD Oise, 41 J, fonds Xavier Leprêtre, archives de l'OSS.
L'équipe Jedburg
Baptisée Alfred, cette équipe est parachutée le 24 août 1944, peu de jours avant la libération du département.
Origine
L’idée des équipes Jedburgh est née durant l’été 1942, après l’échec du débarquement à Dieppe. Elle consiste à parachuter, derrière les lignes, des petits groupes d'officiers et d’hommes chargés de soulever et armer la population civile. En juillet 1942, le projet est baptisé Jedburgh du nom d’une localité écossaise.
Fin 1942, il est décidé que les équipes agissent en uniforme et que l’un des deux officiers appartient au pays d’accueil. Après leur parachutage, elles sont prises en charge par des agents du SOE. Il est prévu de constituer 300 équipes pour le 1er avril 1944. La constitution d’une centaine d’équipes est finalement programmée par le commandement allié qui en définit ainsi la composition et le rôle :
« Les Jedburghs sont des équipes de trois hommes spécialement entraînés. Ils seront parachutés dans des endroits préétablis, derrière les lignes ennemies en France, à partir du Jour J. Chaque équipe comprend deux officiers et un opérateur radio. Un des officiers doit être originaire du pays où l’équipe doit agir, les deux autres sont américains ou britanniques. Les membres de l’équipe sont des soldats et doivent arriver sur le terrain en uniforme. Ils établiront des contacts avec les groupes de résistance, apporteront des instructions du commandement suprême allié, leur assureront des liaisons radio et, si nécessaire, en prendront le commandement ».
Au total, 85 équipes Jedburgh ont été constituées. Le SFHQ (Special forces headquarters) qui n’a engagé, avant le 15 août, que deux équipes Jedburgh au nord de la Loire, décide d’en envoyer neuf, en avant des colonnes motorisées du 12th Army Group ; parmi elle, l’équipe Alfred qui doit agir dans le département de l'Oise.
L'équipe Alfred
Le 9 août 1944, l’équipe Alfred doit être parachutée du côté de Beauvais, à l'aile gauche du dispositif américain. Mais son départ est retardé jusqu'au 23 août, alors que les avant-gardes blindées roulent vers la Seine et Elbeuf, à la limite entre les Britanniques et la First Army.
L’équipe (team) n° 93 est composée:
- du captain L.D. Mac Dougall ("Argyll"), de la General List,
- du lieutenant Jean-Pierre Herneguel dit « de Wavrant » (Aude) de l’Infanterie affecté au BCRA
- et du sergent Albert W.Key ("Wampum") du Royal Armoured Corps.
La mission initiale, qui consiste à aider les FFI de l'Oise à s'organiser, puis compléter leurs liaisons avec Londres, est modifiée lors du dernier briefing quelque peu précipité : lorsqu'ils seront à une soixantaine de kilomètres de la zone des combats, il faudra recruter quelques volontaires et se frayer un chemin vers les lignes en glanant au passage le maximum de renseignements.
L'équipe décolle finalement d'Angleterre le 23 août 1944 avant minuit. Deux heures plus tard, le temps est si exécrable au-dessus de la DZ de Grandvilliers-aux-Bois, terrain "Moulin" ou "Donald", que l'avion éprouve des difficultés à larguer containers et colis. Puis, lorsque le pilote prend de l'altitude pour lâcher les parachutistes, les lumières disparaissent et le vent souffle en tempête... Il faut donc revenir à la base.
La nuit suivante, l'avion tourne près d'une heure avant de trouver le terrain. Mais l'arrivée se fait au beau milieu du comité de réception et le matériel, largué la veille et dissimulé dans une carrière proche, est récupéré ensuite, mais sans radio ni équipement personnel. L’équipe a heureusement pris la précaution d'emporter un poste de rechange...
Après avoir passé le reste de la nuit chez le chef des résistants de La Neuvilleroy, le lieutenant de Wavrant va à Clermont prendre contact avec le commandant Monturat (Dupont), chef départemental FFI de l'Oise. "La situation dans le département, explique ce dernier, est simple, des volontaires, mais aucune organisation et pas d'armes..." Quatre cents hommes au total sont armés, de fusils anciens ou de chasse, alors que cinq mille pourraient être levés. En outre, les Allemands, qui occupent les villages, ont réquisitionné les véhicules. Un message est aussitôt envoyé à SFHQ.
Sources :
GAUJAC Paul, Les forces spéciales de la Libération, Histoire et Collections, 1999, 402p .
Le chef départemental des FFI, le colonel Fromonot-Monturat,
encadré par deux membres de l'équipe Alfred
Le terrain "Moulin" ou "Donald"
Ce terrain est très difficile à localiser avec précision. Dans les archives du BCRA, il semble qu'il porte deux noms : "Moulin" ou "Donald". Il aurait été proposé, le 9 juin 1944, par les VOP et transmis à Londres par le colonel Vernon. C'est sans doute le terrain le plus utilisé dans la dernière semaine de l'Occupation.
Dans la nuit du 23 au 24 août, un parachutage s'y déroule avec succès. Quinze containers sont en effet largués mais, en raison de nuages, les hommes de l'équipe Jedburgh, Alfred, ne sont pas parachutés. Ils le sont, sur ce terrain, la nuit suivante.
Dans la nuit du 25 au 26 août, l'équipe Benson devait y être parachutée. Elle l'est le lendemain avec onze containers, mais à une dizaine de kilomètres.
Enfin, dans la nuit du 28 au 29 août, un nouveau parachutage a lieu. Certaines sources l'annoncent pour le circuit Beggar.
Sources :
AN, 171 Mi 76 à 82 - AD Oise, 41 J, fonds Xavier Leprêtre.
Activités de l'équipe Jedburgh
Les Jedburgh s'installent dans un bois près de Cressonsacq et répartissent le matériel parachuté entre les secteurs. La nuit suivante, ils attendent vainement un largage sur la DZ, bien que l'opération ait été annoncée pour le 27, par la BBC.
Dans la matinée, un agent de liaison vient signaler la présence de parachutistes à Francières, dix kilomètres à l’est. Le capitaine Mac-Dougall se rend sur place et trouve cinq SAS parachutés blind après que l’avion eût renoncé à repérer des lumières. A la surprise de tous, le pilote n’a pas, cette fois, largué les vingt containers prévus.
La nuit suivante, le comité d'accueil revient sur la DZ, la BBC l'ayant convoqué par message. Vers 2h 30, un orage éclate... Les containers, largués à une quinzaine de kilomètres, sont récupérés par des FTP qui se gardent bien de les rendre à leur destinataire.
Le 28 août, raconte MacDougall : "(...) nous fûmes contraints de changer de PC. Nous nous installâmes dans un souterrain creusé dans un bois par des artilleurs au cours de la Grande Guerre. La même nuit, arriva de Londres le premier message demandant les coordonnées des DZ déjà homologués (...) Ce contretemps de quatre jours, mit par terre tous nos projets de faire quelque chose d'utile !".
Le temps passe et toujours pas de parachutage. En attendant, des informations sont envoyées sur la situation à Creil, Senlis et dans la vallée de l'Oise encombrée de convois, avec quarante chars au sud de Compiègne. Il est également rendu compte des mesures prises par les Allemands pour faire sauter les ponts sur l’Oise et suggéré l'intervention d'un groupe SAS pour empêcher leur destruction. La libération de Beauvais et de Clermont par les Alliés est alors annoncée prématurément par la BBC. Les Jedburgh reçoivent donc l'ordre de tenter de protéger les ponts sur la Somme, du côté d'Amiens.
Comme des arrangements ont déjà été pris pour monter deux embuscades au cours de la nuit, Wavrant reste sur place et Mac-Dougall part avec le radio rencontrer, à Amiens, les chefs de la Résistance locale. Montés sur une charrette tirée par un cheval, ils ne dépassent pas en fait Ferrières, où les chars américains les ont précédés. Les Britanniques sont d'ailleurs déjà aux portes d'Amiens. La première embuscade bloque un important convoi à Francières et lui inflige des pertes pour un seul tué et blessé. La seconde, rentrant bredouille, tombe au matin, sur une trentaine de GIs capturés par les Allemands, les libère et les escorte jusqu'aux lignes américaines...
Le contact avec Londres ayant été rétabli, le team rejoint Paris, où il passe trois jours. Le 28 septembre, après s'être posé la veille sur le terrain de Hendon, il se présente à l'état-major
FFI, pour faire son rapport.