La fusillade de Parisis-Fontaine (commune de Berthecourt)
par Jean-Pierre Besse et Jean-Yves Bonnard
Le 9 août 1944, 5 h du matin, les habitants de Noailles et de Berthecourt ne peuvent se douter qu’un drame se joue sur le territoire de leur commune. A l’entrée du bois de Parisis-Fontaine, à proximité de l’intersection des routes départementales 137 et 44, des hommes, menottes aux mains, solidement encadrés par des SS, descendent d’un camion sans ménagement et sont conduits à l’intérieur du bois.
Des hommes du SAS
Ces hommes en civil, dépouillés de leur uniforme sous la menace des Allemands, sont en réalité des prisonniers de guerre, rapatriés au cours d’une mission. Appartenant au 1er régiment SAS (Spécial Air Service), leurs missions consistent à détruire des dépôts de munitions et des avions allemands sur les aérodromes, bref, à tout saboter derrière les lignes allemandes.
Leur histoire commence le 5 juillet à la Ferté-Allais. Ce jour-là, douze hommes sautent d’un Sterling. Des résistants doivent les attendre au sol. Ce sont des Allemands qui se trouvent sur le terrain de parachutage. Après un combat acharné, les SAS sont faits prisonniers.
Détenus au 84-86, avenue Foch, quartier général de la Gestapo à Paris, ils sont torturés puis emmenés le 9 août 1944 dans l'Oise, près de Noailles, pour y être exécutés.
L'évasion de Serge Vaculik - témoignage
"Après d’horribles tortures, avec six de nos camarades, dont notre chef, je fus transféré au 3 bis place des Etats-Unis. Dans une cellule solitaire où l’on m’obligeait à coucher nu, afin de diminuer les possibilités d’évasion, l’idée de sortir des griffes de la Gestapo m’obsédait. Je manquais ma tentative d’évasion et cela me valut quatre semaines de cachot noir... Une nuit, les gardes vinrent nous chercher. Ils nous enlèvent de force nos uniformes et les remplacent par des effets civils. Cela m’inquiétait… J’en demandai la raison, ils me répondirent que nous devions être échangés en Suisse avec d’autres prisonniers capturés par les Anglais. Le doute planait mais il fallait bien s’exécuter devant les mitraillettes prêtes à cracher la mort…
Un camion nous emmena vers le nord ; menottes aux mains, sous bonne escorte. C’est ainsi que nous arrivâmes au bois de Parisifontaine ce matin du 9 août 1944...
Les SS nous firent descendre sans ménagement. J’avais eu la bonne fortune de pouvoir ouvrir mes menottes et celles de mes camarades avec un ressort de montre que je dissimulais dans ma bouche. Cette opération s’effectua dans l’obscurité, sans attirer l’attention des gardes.
Les SS nous firent pénétrer à l’intérieur du bois... Schmidt sortit de sa poche un papier qu’il tendit au Hauptman Schnurs qui, en allemand, donna lecture de notre condamnation à mort. Un jeune SS traduisait en anglais... A la fin de la traduction, je poussai un hurlement de bête traquée, fonçant droit devant moi entre les Allemands qui, surpris, n’ouvrirent pas le feu immédiatement... J’entendis une fusillade nourrie, je pensai à mes camarades qui sûrement, tombaient sous les rafales de mitraillettes..."
Le capitaine Patrick Garstin, le sergent Thomas Varey, les soldats Thomas Barker, Joseph Walker et William Young tombent sous les rafales de mitraillettes. Deux hommes ont survécu à cette exécution: le caporal Thomas Jones et le Français Serge Vaculik, détaché au 1er régiment SAS, comme interprète.
Serge Vaculik arrive à Abbécourt, est caché par un fermier qui le met en contact avec le boucher de Hermes, Martlè. Ce dernier le conduit chez son cousin, Abel de Rouck, résistant domicilié à Bresles.Vaculik est ensuite mis en contact avec le gendarme
Rouillard qui l'interroge. Quelques jours plus tard, Serge Vaculik apprend que l'un de ses compagnons a lui aussi survécu et entre en relation avec lui.
Caché par la Résistance - témoignage de Serge Vaculik
"Nous nous rendions chez Fernand Bourgoing, garde-forestier, dans sa maison située en bordure de la forêt de Hez. A côté de l’ancienne abbaye de Froidmont, se trouvait un homme qui prétendait être rescapé d’un peloton d’exécution. Je mis mon compagnon sur ses gardes. J’avais peine à croire qu’il pouvait y avoir un second survivant de la fusillade du bois de Parisifontaine. Tout en le souhaitant, j’exposai un plan à Rouillard. L’homme enfermé dans une pièce de l’habitation ne nous vit pas arriver, j’avais transmis un questionnaire au gendarme. Je restais dans la pièce voisine pour écouter, par le truchement d’une femme interprète. L’interrogatoire commença. Aux premières paroles, je reconnus la voix roulante de " Ginger " Jones, avec son accent du Lancashire. Sans attendre plus longtemps, j’entrai dans la pièce. Minute émouvante. Nous nous croyions l’un et l’autre morts. Il me raconta l’heureux concours de circonstance qui l’avait amené jusque là. Aussitôt après ma fuite désespérée, les SS avaient ouvert le feu. Jones était tombé une fraction de seconde avant la rafale puis il avait fait le mort. Il avait ainsi pu s’échapper"
Les corps des cinq soldats seront enfouis dans le fossé du château de Parisis-Fontaine. Vers le 15 septembre 1944, tandis que l'Oise est libérée, deux officiers parachutistes britanniques assisteront à l'ouverture de la fosse. Les cinq corps mis au jour sont habillés en civil, sans chaussures et tête nue. Seul le capitaine Patrick Garstin a pu être identifié avec certitude.
Les SAS seront inhumés dans le cimetière militaire de Marissel, à Beauvais.
Après-guerre, Serge Vaculik et Thomas Jones réuniront des témoignages pour poursuivre leurs tortionnaires en Allemagne et les faire condamner.
Une stèle sera inaugurée le 27 septembre 1964 au carrefour des CD137 et 44 en hommage aux soldats britanniques tués vingt ans plus tôt dans les bois de Parisis-Fontaine. Une rue de Berthecourt porte le nom de Serge Vaculik.
Sources :
VACULIK Serge, Bérêt rouge, Arthaud, 1952.
Archives famille Lenain.