Rafle-Caisnes

La rafle de Caisnes (26 juillet 1944)

par Jean-Yves Bonnard

Petit village noyonnais situé en rive gauche de l’Oise en bordure du plateau du Soissonnais, Caisnes sera, durant la seconde guerre mondiale, le centre de ce qu’on appelait localement un « maquis ». Le vallonnement prononcé, l’éloignement des centres urbains, la situation de carrefour entre Noyon, Soissons et Compiègne, l’importante végétation forestière et les nombreuses carrières souterraines favorisaient le dépôt dans des caches des armes récupérées de la débâcle de 1940 et lors de parachutages alliés. Mais les bois de Caisnes sont surtout, pour les habitants, le lieu où se cachent des résistants recherchés entrés en clandestinité, des communistes et des républicains espagnols, des déserteurs de l’armée allemande (Yougoslaves), des évadés soviétiques et polonais, des réfugiés STO.... La venue de réfugiés du Havre masque ces mouvements de population.
Le soir même de l’attaque du maquis des Usages, les résistants Max Brézillon et René Philippon embarquent les rescapés à la sortie de Crisolles et les conduisent à Caisnes par Salency. Certains d’entre eux y restent (Michel Depierre), d’autres rejoignent l’Aisne (Lucien Roos). Par précaution, le dépôt d’armes de la carrière Mériot est alors transféré.

Le 26 juillet 1944, vingt-cinq jours après la rafle de Salency, les Allemands procèdent à une rafle à Caisnes sur dénonciation du traître Adrien Souris. Ce fils de gendarme était connu à Caisnes où il venait parfois à la poste du village.
Les premiers avertis de la rafle sont les braconniers qui, posant des collets dans les bois, voient le village se faire encercler par les Allemands. Toute la population est réunie sur la place du village, surveillée par des soldats mitraillette au poing et par deux mitrailleuses. Un soldat allemand hurle en tapant du pied : "Si vous bougez, vous serez hachés! Je ne le répèterai pas deux fois !"
Après contrôle de l'identité, le soldat fait sa sélection. Les Yougoslaves (dont Milan Standievitch), les Polonais (dont Jean Baranovski et Emile Mulak) et les Russes sont faits prisonniers. L'un d'entre eux, caché sur une branche haute d'un sapin, est arrêté et passé à tabac après que la branche ait cédé sous son poids. Les cinq Espagnols du village (les frères Hernandez, Valentia père et fils, et Isaïas Rodriguez Gallan) déclinent leur identité en invoquant la neutralité de leur pays. L'Allemand contrôle les papiers puis en frappant du pied au sol hurle « Terroriste ! Communiste ! ... » et les fait arrêter, tout comme les réfugiés du Havre Marius et Roger Affagard ainsi que Maurice Chaulieu. La plupart des bûcherons sont ainsi arrêtés de même que des réfractaires au STO tels Emile Palosiak ou Jacques Willecocq (emmené dans un camion avec son vélo) mais aussi des hommes du cru, tels Bordier, Léonard Auguste, Serge Hardy et M. Toscan, Jacques Dhaty, Pierre Hézelot.
En tout, vingt-six personnes sont raflées à Caisnes. Dix-huit d’entre elles seront déportées à Buchenwald. Seulement trois en reviendront. L’Espagnol Gallan est, dit-on, exécuté d'une balle dans la tête après avoir subi les morsures des chiens de garde pour avoir ramassé un chou-navet dans le camp.
Une seconde rafle aura lieu le même jour à Cuts, commune voisine de Caisnes. Seront arrêtés le bûcheron Léon Braux, Roger Toscan, le champignonniste Noël Armini, Georges Duponcelle et Jacques Moreau.

Après la rafle de Caisnes, tous les résistants rescapés entrent dans la clandestinité, tel le capitaine Pichot resté caché quelque temps près de Saint-Quentin.

Recherché par la résistance noyonnaise, le traître Adrien Souris est arrêté par ruse par des résistants ayant modifié les plaques d’immatriculation d’une traction avant noire afin de la faire passer pour celle de la police allemande. Capturé, il est interrogé puis exécuté dans les carrières de Dreslincourt le 18 août 1944.

Le village de Caisnes reçoit en 1948 la Croix de guerre 39/45 avec citation à l’ordre du corps d’armée, tandis que les habitants seront reçus à Vincennes par le Général Hanote.

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