La gendarmerie
par Jean-Pierre Besse
Les mêmes clivages qui traversent la société française traverse la gendarmerie durant l’Occupation.
Habitués à obéir au pouvoir en place, tiraillés entre ce devoir d’obéissance et des missions de plus en plus contestées et contestables, les gendarmes qui vivent en contact étroit avec la population, dans leur majorité, accomplissent leur travail sans trop d’état d’âmes. Les arrestations de juifs sont le plus souvent effectuées par les gendarmes français qui en rendent compte sans problème de conscience. Il faut cependant citer le cas du commandant de la brigade de Compiègne, le capitaine Marchal qui écrit, le 19 mars 1943, à propos du transfert d’internés de Royallieu vers la gare de Compiègne : « L’état physique déplorable des détenus et le fait que cette mission pénible incombait à la gendarmerie française ont produit une vive émotion parmi la population. Il est indispensable de ne plus confier ces opérations aux forces de police française qui voit tous les jours son prestige et sa réputation diminuer sensiblement. »
Certains, cependant, vont au-delà et font preuve d’un zèle extrême dans la chasse aux « terroristes gaullistes et communistes ». C’est le cas des brigades de Méru et surtout Liancourt. Dans ce canton à forte implantation ouvrière, et donc communiste, les heurts sont nombreux entre les représentants de l’ordre et les résistants. Les gendarmes de la brigade surveillent étroitement la gare de Laigneville, où arrive très souvent du matériel de propagande, ce qui leur permet d’y arrêter un certain nombre de responsables départementaux et interdépartementaux (Genest, Bizet). Les gendarmes sont attaqués à Mogneville en septembre 1943 par des résistants de retour d’action et deux résistants sont tués par les gendarmes, à Laigneville, à la suite d’une tentative de sabotage.
D’autres gendarmes et brigades, au contraire, font preuve d’un zèle tout aussi extrême pour aider la Résistance. Les plus actives en ce sens sont celles de Chantilly, Bresles et Neuilly-en-Thelle. Dans les deux premières brigades, les gendarmes participent directement aux actions de la Résistance prêtant armes, bicyclettes et même le véhicule de la brigade pour transporter des aviateurs et des armes. A Neuilly-en-Thelle, l’évasion de trois responsables de la Résistance, dont une interdépartementale, de la prison aurait été impossible sans l’aide des gendarmes qui avaient oubliés de …fermer le verrou.
Au cours du mois d’août 1944, le nombre de désertion, de « disparitions » de gendarmes, se multiplient. C’est début septembre que les rapports expliquent ces disparitions lorsque la Libération est terminée, que beaucoup, après avoir combattu aux côtés et très souvent à la tête des compagnies de FFI, reviennent prendre leur place et fournissent alors une explication à leur absence.
Témoignages de Pierre Auzi et Kléber Dauchel
Sources :
SHGN, 1939-1945, 60 E, 60 E 210- 60 E 91- 60 E 207- 60 E 357- 60 E 209- 60 E 94- 60 E 173, 174- 60 E 219- 60 E 180, 015 312, rapports de la Gendarmerie nationale, département Oise.