1940-Noyon

Mai-juin 1940 : Noyon sous les bombes
par Jean-Yves Bonnard

Le 10 mai 1940, une offensive allemande sur les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg met fin à la Drôle de guerre. Le 4 juin, alors qu’une ligne de front s’organise sur l’Aisne et la Somme, la poche de Dunkerque d’où s’embarquent les alliés
tombe aux mains ennemies. Tandis que les forces françaises s’organisent autour du lacis de canaux formant des lignes de front, les forces allemandes se concentrent dans le Santerre et sur l’Ailette. Noyon forme alors un saillant protégé d’Est en Ouest par les Français des 23e DI, 3e DLI et de la 29e DIA.
Rue du Maréchal Leclerc
Les bombardements de juin 1940
Les premiers bombardements aériens allemands touchent Noyon dans la nuit du 3 au 4 juin 1940 détruisant notamment la Maison Bourgeois dans le quartier de la rue Jean-Abel Lefranc.
Le 5 juin, jour de l’attaque allemande dans le Santerre et sur l’Ailette, les principaux axes de la ville sont la proie des Stukas : la place de la République, la rue du Nord, la rue d’Amiens, la rue de Paris et la place Saint-Jacques sont touchées par les bombes. La violence du bombardement et la progression allemande poussent l’autorité militaire à ordonner l’évacuation des quelques civils encore présents. Le roulement des canons, en fond sonore, annonce l’imminence des combats dans la ville. Et en effet, les Allemands des IR 463 et 483 de la 263e ID parviennent à franchir le canal de Saint-Quentin à Vouel (Aisne) tandis que le canal de l’Oise à l’Aisne est passé à Bichancourt par le IR 485 de la 263e ID. Ce dernier, longeant le canal latéral à l’Oise, parvient à s’insérer entre la 23e DI tenant Noyon et le 87e DINA en rive gauche de l’Oise.
Le 6 juin, les Allemands renforcent leurs positions au delà des canaux, multiplient les passages et les ponts, accumulant les troupes et le matériel. Alors que les combats se rapprochent de Noyon, affectant Quierzy, Brétigny puis Varesnes, les troupes françaises organisent leur repli.
A l’aube du 7 juin, les troupes allemandes accentuent leurs efforts, resserrant l’étau sur Noyon, objectif commun des 62e et 94e ID venant du  Nord et de la 263e ID venant du Sud-Est. Jusqu’en début d’après-midi, des combats de rues opposeront les fantassins allemands aux fantassins français. La plupart des formations françaises échappera à cet effet de tenaille, hormis une partie de la 2e Compagnie du 1er Bataillon de Chars de Combat (1er BCC) qui, prise au piège des ponts dynamités, sera anéantie en plein centre-ville par des canons antichars allemands. Le 7 juin au soir, à l’issue de ce qui demeure aujourd’hui la Bataille de Noyon, la 263e ID occupera Noyon.


La municipalité face à la guerre
Au cours de la séance du conseil municipal du 29 juillet 1940, le premier conseiller municipal M. Gary exposera les circonstances de l’interruption de l’administration municipale pendant cette phase de combat :
"La vie municipale a été brusquement interrompue par l’évacuation de la ville le 21 mai sous la pression des événements de guerre. Le rappel des habitants diffusé par TSF deux ou trois jours après, a créé une situation fâcheuse parce qu’elle n’a pu atteindre tous ceux que l’évacuation avait éloignés. La municipalité tout entière a été en effet révoquée pour ce fait par une mesure diffusée le dimanche 2 juin et traduite dans un décret du 3 juin publié à l’officiel du 4. Le 4 juin, M. le Préfet de l’Oise nommait Maire de la Ville à titre provisoire M. Weissenburger, Directeur de l’Ecole communale des garçons, et MM. Martin et Liévaux, Adjoints. Le 5 juin, la ville, violemment bombardée, était évacuée par l’Autorité militaire et le 7 juin, après un nouveau bombardement plus violent, elle était dans l’état où on la trouve actuellement.
En l’absence de toute administration, les Allemands ont, parmi les quelques habitants demeurés sous les bombardements, évacués par eux, puis ramenés par eux dans la Ville, choisi M. Catteau, habitant Boulevard Charmolue (ndlr : le mot est biffé et suivi des mots «Boulevard Gambetta») pour remplir les fonctions de maire provisoire. Sous la double entente de cet homme et des Allemands, aucun membre du Conseil Municipal ni aucun fonctionnaire communal n’ont pu aborder la Mairie. Ce n’est que le 27 juillet que le Secrétaire général de la Mairie put reprendre son poste et le 29 juillet que l’Administration communale put reprendre normalement avec le premier Conseiller municipal dans l’ordre du tableau rentré à cette date pour remplir les fonctions de maire ; M. Weissenburger, maire provisoire du 4 juin étant encore hors de Noyon."

D’importantes destructions
Aucune victime civile ne sera à déplorer durant les bombardements de Noyon en juin 1940, l’exode massif des habitants durant le mois de mai et l’évacuation du mois de juin ayant épargné de nombreuses vies.
Les dévastations sont pourtant grandes et de nombreux quartiers en ont souffert. Au retour des premiers Noyonnais, courant juin 1940, les troupes d’occupation réquisitionneront les hommes valides pour le nettoyage des rues et la remise en état des infrastructures.
Cette seconde reconstruction sera l’une des priorités de la nouvelle équipe municipale sous le Régime de Vichy. Le 30 août 1940, Augustin Baudoux adresse au préfet un rapport sur l’état des immeubles de la ville de Noyon.
"La ville de Noyon a subi, par suite des événements de guerre, des dommages qui, pour être heureusement très inférieurs à ceux de 1918, sont cependant encore relativement importants. Sur 2065 immeubles existant avant la guerre, on en compte :
Intacts ou presque intacts : 1363 (66%)
Facilement réparables : 331 (13%)
Gravement atteints : 212 (10%)
Détruits : 103 (5%)
Parmi les immeubles publics, aucun n’est complètement détruit.
(…) Les plus urgents de ces travaux comprennent, la mise hors d’eau de l’abattoir (charpente et toiture de plusieurs pavillons très endommagés; la réfection de toitures et la pose de vitres très nombreuses à l’école des filles ; la mise hors d’eau de plusieurs bureaux d’octroi ; démolition du couronnement du monument aux morts, dont la chute imminente menaçait la sécurité publique (travail déjà exécuté).
Or, il n’existe en ce moment, dans chaque corps d’état du bâtiment, que peu d’entrepreneurs disposant d’un nombre d’ouvriers très insuffisant et qui, au surplus, ont les plus grandes difficultés à s’approvisionner en matériaux : bois, ardoises, ciment, chaux, vitres, etc. Avec les ressources locales actuelles, il est impossible de satisfaire rapidement et simultanément aux besoins impérieux de la commune aussi bien que des particuliers.
(…) Ouvrages d’art endommagés sur le territoire de Noyon :
RN32 : pont sur le canal du Nord (sauté)
RN 33 : pont sur le canal du Nord (sauté)
RN334 : pont sur l’Oise (sauté)
Pont sur le canal latéral (sauté)
Pont sur la Verse (détérioré, mais permet la circulation)
Chemin rural de Noyon à Vauchellespont sur le canal du Nord (sauté)
Silo agricole : intact
Sur 6.300 habitants, il en est rentré jusqu’ici 4.800, qui ont pu se loger facilement, soit dans leurs propres habitations, soit dans des locaux vacants réquisitionnés par le Maire.
Etant donné qu’il existait à Noyon avant guerre un certain nombre d’immeubles et d’appartements inhabitables pour héberger les habitants, si même le chiffre atteint celui d’avant l’invasion, sans qu’il soit besoin de recourir à l’expédient des maisons provisoires ou semi-provisoires. Mais il faudrait pouvoir procéder d’urgence à de nombreuses réparations légères, pour quoi on est à court de matériaux aussi bien que de main d’œuvre (…)"


Le défaut de matériaux et de main d’œuvre ne sera pas le seul handicap à la reconstruction : le changement de régime politique de la France, devenue l’Etat Français, rendra l’action publique inopérante durant plusieurs mois. Le conseil municipal de Noyon sera suspendu le 9 octobre 1940 et remplacé par une délégation spéciale dont le président, Augustin Baudoux, ne sera nommé qu’en décembre suivant. La ville entra alors véritablement dans une seconde reconstruction prenant la suite de celle d’entre-deux-guerres.
Rue du Nord
Place Cordouen
Rue de Chauny
Place Saint-Jacques
La gare
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