Les fêtes symboliques
par Laurent Douzou, notice créée le 20 juin 2003
Sitôt après la défaite, certaines dates anniversaires, officiellement commémorées jusqu'alors parce qu'elles appartenaient à la mémoire collective nationale, comme le 14 juillet et le 11 novembre, prennent un relief singulier. Elles deviennent, en effet, des occasions symboliques de protester, de témoigner, de s'opposer, de se compter.
La première opposition publique, massive et pacifique, à l'occupant a lieu en zone Nord à la faveur du 11 novembre 1940 sur les Champs-Élysées. L'année suivante, à la même date, de petites manifestations se produisent dans certaines grandes villes ainsi que quelques défilés aux monuments aux morts et des dépôts de bouquets tricolores.
C'est cependant en 1942 que les manifestations prirent vraiment de l'ampleur.
Le 1er mai a lieu une démonstration de force impressionnante. La feuille clandestine Libération publie ultérieurement une photo montrant l'immense foule des Lyonnais présents sur la place Carnot. Marseille, Nice, Toulouse, Saint-Étienne, Avignon, Montpellier, Toulon, Clermont-Ferrand, Chambéry voient également d’imposantes manifestations.
La BBC et les feuilles clandestines préparent conjointement l'opinion à la célébration du 14 juillet, indiquant pour chaque grande ville l'heure et le lieu des manifestations prévues. Le succès en est retentissant. Les journaux clandestins annoncent 100 000 manifestants à Lyon et à Marseille, entre 15 000 et 40 000 à Toulouse, et plusieurs milliers dans de nombreuses petites villes.
On vit encore l'importance de ces dates commémoratives le 11 novembre 1943. Ce jour-là, au nez et à la barbe de l'occupant, le colonel Romans-Petit, chef des maquis de l'Ain, fait défiler ses troupes dans la ville d'Oyonnax en direction du monument aux Morts, où une cérémonie est organisée. La gerbe déposée porte une inscription qui sonne fièrement : "Les vainqueurs de demain à ceux de 1914-1918". Les maquisards repartent en bon ordre sous les applaudissements de la foule.
Voilà qui rappelle que ces manifestations, dont le rôle est si important dans la reconquête de l'opinion, sont bel et bien, en dépit de leur caractère symbolique, d'authentiques actes de Résistance que les troupes d'Occupation interprètent et répriment comme tels.
Sources
La Résistance en France, une épopée de la liberté, réalisé par l'AERI, éditions Montparnasse multimédia, 1997.
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