Represailles-allemandes

Les représailles allemandes de l'été 44

par Jean-Pierre et Jean-Yves Bonnard


Durant la Seconde guerre mondiale, le département de l’Oise subit de nombreuses mesures répressives menées par l’occupant allemand souvent en étroite collaboration avec les autorités françaises.


La répression durant l'occupation

Dès 1940, des mesures de répressions affectent des opposants politiques (en particulier les communistes) tandis que les premières persécutions sont menées contre les juifs. L’affirmation progressive de la Résistance au sein de réseaux et de mouvements donne corps à un nouvel ennemi aux yeux de l’occupant et au régime en place. Ce dernier multiplie les mesures de répression contre cette force agissant dans la clandestinité dont la montée en puissance en 1942 et 1943 est visible par sa propagande et ses actions armées (attentats, sabotages, parachutages…).

L’efficacité de ces mesures conduit à l’arrestation, en novembre 1943, de plusieurs organisateurs de mouvements (Libé-Nord, FTP, OCM…). Pour autant, les mouvements se régénèrent et au début de 1944, la Résistance isarienne s’unifie au sein du Comité Départemental de la Libération Nationale (CDLN) et des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

La Résistance n’est plus seulement l’affaire de groupes mais aussi d’un ensemble structuré, en liaison avec le Comité Français de Libération Nationale à Alger.


Juin 1944, les Résistants intensifient leurs actions

Durant le premier semestre de l’année 1944, la Résistance métropolitaine est mise à contribution par les Alliés afin de préparer le Débarquement. Il s’agit de porter l’effort sur la neutralisation des troupes d’occupation et des entreprises travaillant pour l’effort de guerre allemand.

Plusieurs plans sont établis par le Bureau de Renseignement et d’Action de Londres (le BRAL, branche de la Direction Générale des Services Spéciaux) :

-       Le plan vert coordonne le sabotage des liaisons ferroviaires ;

-       Le plan bleu perturbera la distribution d’électricité par la coupure, notamment des lignes à haute tension ;

-       Le plan violet doit permettre de neutraliser les communications allemandes notamment les lignes téléphoniques souterraines à longue distance ;

-       Le plan « Tortue » ou « Bibendum » doit gêner l’arrivée des divisions blindées en coupant les axes routiers par la destruction ponctuelle de ponts, de carrefours…

Malgré leur caractère destructif, ces sabotages doivent être réalisés avec minutie afin de faciliter la remise en route des réseaux avec l’avancée alliée.

Ces plans sont mis en action lors du Débarquement allié en Normandie (6 juin 1944) qui suscite l’inquiétude chez les forces d’occupation et l’espoir chez les Résistants, espoir qui conduit parfois à des imprudences.

En réponse aux actions menées par la Résistance, les forces allemandes renforcent la surveillance des sites stratégiques et accentuent les contrôles de la population, procèdent à des fouilles, à des arrestations. Le S.D.  (Sicherheitsdienst, service de sécurité allemand) obtiendra des renseignements précieux par la force lors d’arrestations de suspects ou en soudoyant des indicateurs parfois issus de la Résistance. Plusieurs attaques meurtrières sont alors menées contre les maquis accompagnées ou suivies de rafles à Boulincourt (le 17 juin), à Salency (le 1er juillet), dans la région de Saint-Just-en-Chaussée (les 2 et 3 juillet), à Anserville (le 20 juillet) ou dans la région de Breteuil (le 2 août 1944). La répression devient plus violente et plus massive. Les arrestations ciblées cèdent la place à des rafles conduisant à des déportations systématiques. Cependant, le harcèlement des troupes d’occupation se poursuit et les bombardements alliés se multiplient avec une efficacité redoutable.


Mi août 1944, l'instauration de la terreur

A la mi-août, les mesures de représailles menées par les troupes allemandes prennent une dimension particulièrement tragique qui trouve son origine dans le contexte militaire. En effet, les événements de guerre tournent en leur défaveur sur le front de Normandie. Les Alliés entrent à Rennes le 5 août, à Vannes le 7, au Mans le 9, à Chartres le 10. Plusieurs villes françaises se libèrent par elles-mêmes, à commencer par Brive-la-Gaillarde le 15 août. Le jour même, les forces franco-américaines débarquent en Provence. Cette poussée décisive des Alliés au début du mois d’août crée une tension dans les rangs allemands qui s’ajoute à un état de fatigue lié aux deux mois de combats depuis le Débarquement. Dans le même temps les destructions des voies de communication empêchent la formation de nouveaux convois de déportation à partir de Royallieu.

Pour les armées d’occupation, il ne s’agit plus seulement d’arrêter les coupables des actions de résistance mais aussi d’impressionner et de terroriser la population soupçonnée d’aider les séditieux. Sans doute, l’évacuation des prisons et des camps sous la pression de l’avancée alliée a-t-elle conduit les Allemands à trouver un mode de représailles plus « efficace » que les rafles pour soumettre la population.

Des massacres sont orchestrés dans plusieurs villages, assimilant population civile et résistants considérés comme « terroristes ». Cette montée en puissance de la violence, arbitraire et affichée, conduit aux tragédies de Troissereux (les 16 et 18 août), de Neuilly-en-Thelle (le 23 août), d’Andeville et de Cauvigny (le 27 août).

 

Si les mobiles de cette répression demeurent flous, la chronologie des événements et le contexte particulièrement tendu d’une armée allemande harcelée, fatiguée et en retraite apportent des éléments d’interprétation aux sombres représailles de l’été 44. Mue par un sentiment d’impunité, motivée par une vengeance contre la population insoumise, l’armée allemande commet, peu avant la Libération, des crimes de guerre.


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